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Dans les futaies où le chêne est mélangé à diverses essences, c’est cet arbre qui doit déterminer la révolution, c’est-à-dire le temps qu’embrasse le cercle complet des exploitations de la forêt. En un taillis divisé en vingt coupes, qui viennent successivement en tour d’exploitation chaque année, la révolution est de vingt ans. Dans une futaie, c’est l’âge auquel il convient d’exploiter les massifs qui détermine la durée de la révolution. Dans la forêt de Bellême par exemple, cet âge est celui de deux cents ans ; la révolution est donc ici fixée à deux cents ans, de manière que l’exploitation du massif revienne tous les deux siècles sur le même point. Cette forêt, qui appartient à l’état, se trouve dans l’Orne, entre Mortagne et Bellême ; elle couvre, sur une étendue de 2,444 hectares, une colline sablonneuse qui sépare le bocage du Perche des riches plaines du Maine. Les chênes et les hêtres, qui croissent en mélange dans la forêt de Bellême jusqu’à la fin de la révolution, y atteignent vers l’âge de deux cents ans 35 ou 40 mètres de hauteur. Ces vieux massifs donnent un matériel d’une très grande richesse ; ainsi au canton Pont-à-la-Dame, les exploitations rendent à l’hectare 630 mètres cubes, moitié chêne, moitié hêtre, d’une valeur moyenne de 25,000 francs.

Lors de l’exploitation des massifs, il est parfois très utile, surtout dans les futaies irrégulières, où des bois d’âges divers sont entremêlés, de conserver comme réserves dans les coupes définitives[1] les chênes capables de prospérer pendant une trentaine d’années au moins, quelle que soit leur grosseur. Ce n’est pas seulement aux arbres placés sur les lisières ou sur le bord des chemins que devra s’appliquer cette mesure, c’est à tous ceux qui ont encore avec un fût sain une cime bien vivante, quelle que soit leur place dans la forêt. On n’a jamais à craindre ici de tomber dans l’excès. Ces sujets d’avenir sont généralement trop rares ; si par hasard sur certains points ils sont nombreux, l’exploitation du massif est probablement prématurée, et le bénéfice résultant du maintien des chênes d’avenir compense amplement le dommage causé au recrû par leur présence. Pour assurer la bonne végétation de ces chênes, isolés après avoir crû en massif, il convient de prendre quelques

  1. On appelle coupe définitive la dernière des coupes destinées à produire la régénération d’un massif par la semence. Cette coupe, qui a pour objet de découvrir complètement les semis obtenus à la suite des coupes précédentes, dites coupes d’ensemencement et coupes secondaires, enlève le restant des arbres maintenus jusque-là au-dessus des jeunes semis pour leur conserver un abri protecteur.