Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Encore un coup, je ne prétends pas que le raisonnement fût irréprochable, mais encore un coup je le tins pour suffisant, et tout considéré, je ne me repens point d’en avoir fait la règle de ma conduite : la chambre d’ailleurs sembla devancer ma pensée, et sa commission me fraya la route.

« La conspiration avait été découverte et saisie presque en flagrant délit le 20 août 1820 ; la convocation des pairs présens à Paris avait eu lieu le 21. Éloigné de tout le diamètre de la France, il m’eût été impossible d’y déférer lors même qu’elle m’aurait été adressée. La chambre, telle quelle, avait nommé sur-le-champ une commission d’instruction qui fit son rapport les 28, 29 et 30 décembre £1820, les 2 et 3 janvier 1821. Les difficultés dont mon esprit était assiégé, la commission les avait rencontrées de prime abord ; entre elle et le gouvernement s’était élevée la question de savoir jusqu’où l’on entendait pousser les choses, s’il convenait de remonter à l’origine du complot, et de mettre en cause, à telles fins que de raison, la plupart des chefs de l’extrême gauche, ou de laisser dans l’ombre la partie ésotérique du drame en se bornant à poursuivre les personnes directement engagées dans le coup de main. La commission s’était arrêtée à ce dernier parti. Le gouvernement insistait pour le parti contraire.

« Ainsi, dès l’instant où la lecture du rapport par l’organe de M. Pastoret fut terminée, on vit le ministère public se lever dans la personne de M. Jacquinot-Pampelune, procureur-général, et demander un supplément d’instruction en indiquant nominativement les personnages, célèbres alors et depuis, sur qui portaient les soupçons.

« La commission entrant dans cette voie d’elle-même et de son plein gré, c’était à moi de l’y suivre et de la seconder avec ménagement, en lui donnant de temps en temps un coup d’épaule, mais en me réservant pour les grands et derniers efforts où je serais à peu près seul sur le terrain.

« J’entrai en communication avec ses principaux membres ; je reçus d’eux la confidence de leurs inductions, de leurs soupçons, de leurs découvertes ; je pris une connaissance anticipée de la procédure, et je concertai avec eux les moyens d’en venir au but que nous nous proposions d’atteindre. Le plus ferme, le plus avisé, le plus convaincu, par une longue expérience des révolutions et des vicissitudes de parti, qu’il n’y avait rien à gagner à pousser ses adversaires à bout, c’était M. de Sémonville. J’entrai pour quelque chose dans le plan général et dans les détails du grand discours qu’il fit à ce sujet, et qui entraîna la décision de la chambre. Ce fut un discours vraiment politique sous les apparences juridiques,