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générale ; en vain ses amis dans l’une et l’autre chambre, M. Royer-Collard, M. de Sainte-Aulaire, le duc de Broglie, M. de Barante, le soutinrent énergiquement, chacun avec son talent original et libre, tous avec la même franchise politique. En vain les lois proposées par le cabinet, surtout les trois lois des 17 et 26 mai et 9 juin 1819 sur la liberté de la presse, les plus libérales comme les plus judicieuses qui aient été rendues sur cette matière, furent discutées et votées avec un plein succès. L’opposition reparut toujours la même dans la chambre des députés de la part des libéraux, plus amère et plus ardente que jamais dans les deux chambres de la part des royalistes. Une proposition contre la loi électorale fut adoptée par la chambre des pairs, et, quoique rejetée par la chambre des députés, elle resta suspendue comme une menace permanente sur la tête du cabinet. À cette menace, les élections du 11 septembre 1819 vinrent ajouter le plus rude coup ; elles eurent, bien plus encore que celles de 1818, un caractère révolutionnaire ; le côté gauche, dans la chambre des députés, y acquit 35 voix, le côté droit 4 ; le ministère n’en obtint que 15. Un conventionnel régicide, M. Grégoire, fut élu à Grenoble. Alors la question du changement de la loi électorale entra comme de vive force dans le cabinet formé pour maintenir cette loi ; très divisés, mais tous perplexes, les ministres cherchèrent pendant plusieurs semaines, dans divers systèmes de modification, non-seulement à la loi électorale du 5 février 1817, mais à la charte constitutionnelle, un moyen de s’accorder entre eux et de donner satisfaction à des vœux contraires. Ils n’y réussirent pas ; le général Dessoles, le maréchal Gouvion Saint-Cyr et le baron Louis persistèrent à repousser tout changement à la loi des élections ; d’accord avec M. Decazes, M. de Serre et le baron Portal restèrent seuls du cabinet doctrinaire, l’un comme garde des sceaux, l’autre comme ministre de la marine, acceptant le changement plus ou moins profond de la loi des élections pour drapeau.

Aucun peut-être des hommes engagés alors dans cette question n’était plus sérieusement perplexe que le duc de Broglie. Il regardait certains changemens à la loi électorale du 5 février 1817 comme inévitables, et dans une certaine mesure légitimes. Il avait discuté, de concert avec M. de Serre, M. Decazes et quelques-uns de leurs amis communs, les divers plans proposés à ce sujet ; il en avait même indiqué un qui lui semblait le meilleur. Quand la formation d’un nouveau cabinet dans ce dessein fut résolue, des ouvertures furent faites à plusieurs personnes, spécialement à lui, pour les engager à y entrer. « Refuser, dit-il, de concourir à faire prévaloir un plan que j’avais concouru à préparer, c’était m’exposer à des reproches fondés, et donner à penser que j’étais un esprit timide et téméraire tout ensemble ; mais, d’un autre côté,