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violettes, puis enveloppée de l’ample voile nuptial, conduite enfin dans cet état, précédée de flambeaux, vers le foyer dont elle allait dorénavant garder et nourrir la flamme.

Dans cette Vénus qui rendit Gnide célèbre, Praxitèle reproduisit Phryné telle que l’avaient admirée les Grecs, sortant de la mer où elle s’était plongée à Eleusis le jour de la fête de Neptune. Il n’en est pas moins vrai que cette statue, qui fut son chef-d’œuvre, et peut-être, avec la Vénus naissante d’Apelle, le chef-d’œuvre de l’art grec, représentait, selon toute apparence, la nouvelle épouse telle que la poésie hellénique en ébaucha l’image, — parée, non moins que de sa beauté, des charmes supérieurs dont les Grecs voulaient donner quelque idée en associant à Vénus, comme l’avaient fait jadis les Phéniciens et les Syriens, l’oiseau « sans fiel, » au plumage sans tache, — ces charmes d’un ordre moral et tout immatériel qui consistent dans la douceur, la simplicité et la pureté.

Comme il figurait souvent l’épouse sous forme en quelque sorte sacrée, l’art grec dut souvent aussi représenter l’époux et l’épouse réunis en un groupe. Contraste à la fois et accord, c’était l’union et l’opposition de la nature virile et de la nature féminine, — chez l’époux force et courage, chez l’épouse grâce et douceur. Plus d’une fois enfin l’artiste dut saisir le moment, caractéristique entre tous, où celui qui par la force et le courage a régné dans les combats, revenu auprès de celle qui est toute douceur et toute grâce, subit son pacifique empire. Telle fut la composition à laquelle appartint sans doute la Vénus de Milo.

Passons maintenant en revue les monumens indiqués par Quatremère de Quincy. Un groupe du musée de Florence représente Vénus dans l’attitude et le costume de la statue de Milo, la main gauche sur l’épaule gauche de Mars, la main droite portée à sa poitrine comme pour lui ôter son baudrier. Deux groupes du musée du Capitole, à Rome, et du musée du Louvre, sont composés de la même manière, et offrent certainement le même sujet ; seulement outre le péplum Vénus y est vêtue d’une tunique, et les têtes sont celles d’Adrien et de sa femme Sabine, comme on peut s’en assurer en les comparant avec les statues, les bustes et les médailles de cet empereur et de cette impératrice. Le même sujet se retrouve sur une pierre gravée du musée de Florence et sur une médaille de l’impératrice Faustine, femme de Marc-Aurèle, avec quelques légères différences dans les attitudes et les attributs. — Ces monumens présentent évidemment des variantes d’un même type, sans doute célèbre, dont on retrouve dans la Vénus de Milo un élément d’une époque encore plus ancienne que le groupe de Florence ; ce type, c’était Vénus accueillant Mars après le combat, l’apaisant et