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La ville pourrait cependant invoquer en sa faveur un précédent législatif. Après la révolution de février et l’insurrection de juin 1848, une commission administrative fut nommée pour évaluer les dégâts commis à ces deux dates. Elle discuta le principe de la responsabilité des communes, et décida que, les faits n’ayant pas un caractère purement local, il était juste de recourir à l’état. Elle dut examiner une à une toutes les réclamations produites non-seulement à Paris, mais dans plusieurs villes, à l’occasion de la révolution de février, et entre autres celles des compagnies de chemins de fer pour la destruction des ponts, etc. Relativement à l’émeute de juin, une enquête fut faite chez tous les citoyens victimes de vol, de pillage ; une seule revendication fut écartée, celle de la ville de Paris, pour les dégâts commis sur la voie publique et dans les édifices communaux. Après de longs travaux, que nous nous permettons de rappeler comme un souvenir personnel, la commission avait arrêté un projet de répartition qui fut grandement modifié à la suite du 2 décembre 1851. Les pertes subies par le domaine privé, et non-seulement par le roi, mais par les membres de sa famille, ne donnèrent lieu à aucune indemnité ; la ville de Paris au contraire fut remboursée de tout ce que lui avaient coûté ces jours néfastes.

Autres temps, autres mœurs, sinon autres principes. A coup sûr, plus qu’en 1848, les événemens dont Paris vient d’être le théâtre ne sont pas le fait d’une localité, et les conséquences en devraient retomber à la charge de la communauté entière ; cependant est-ce possible alors que celle-ci succombe sous le fardeau, et que l’assemblée nationale, tout en reconnaissant l’obligation de venir en aide aux départemens envahis, a réservé l’application du secours aux seuls nécessiteux ?

Si le chiffre des dépenses antérieures et de celles du siège peut s’établir aisément, il n’en est pas de même de celles que le régime de la commune a imposées à la ville pendant les deux mois de sa durée. Devant le conseil de guerre, le délégué aux finances les a évaluées à plus de 47 millions ; par contre, il a donné un état de recettes de 44 millions seulement, laissant supposer que la différence avait été fournie par la fonte de l’argenterie et des vases sacrés pris dans les palais et les églises. L’interrogatoire de Jourde restera comme un des documens les plus instructifs de cette lamentable histoire. Le jour se fera peut-être sur les finances de la commune et les actes des délégués au trésor et à la Banque ; jusqu’à présent, les renseignemens font encore défaut. M. le marquis de Plœuc, le courageux sous-gouverneur de la Banque de France, a donné le chiffre exact d’une partie des ressources du gouvernement insurrectionnel. Il lui avait tout d’abord laissé ignorer que la ville eût en compte