Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par leurs confrères, ils ne trouvèrent de protection que dans le dévoûment de leurs ouailles. Les gens du quartier des halles, qui étaient restés attachés au roi, et qui, voyant leur marché désert, détestaient le parti de la guerre à outrance, défendaient leur digne pasteur. Aussi les exaltés avaient-ils, par mépris, donné à Benoît le sobriquet de pape des halles ; l’évêque Rose disait même le diable des halle ; le fougueux théologien Guarinus ne mettait pas à son compte moins de vingt-cinq hérésies, tandis qu’il n’en imputait que quinze au curé de Saint-Merry.

L’opinion publique, égarée par ces énergumènes, semblait aux seize un sûr garant que leurs crimes seraient applaudis comme un pieux auto-da-fé ; ils comptaient s’attacher le pauvre peuple en demandant qu’il fût déchargé des lourds impôts et les rejetant sur les plus aisés. Le 12 novembre, une réunion secrète fut tenue chez La Bruyère père sous la présidence de Launoy. Ce prêtre dissolu et sans conviction, qui avait abjuré la foi catholique pour le protestantisme, puis était rentré dans l’église, n’avait cessé de compter parmi les plus exagérés du parti. D’autres, dont la violence n’était pas en reste sur la sienne, lui prêtèrent leur appui. Une liste de proscriptions avait été dressée ; on la fit passer de main en main pour que chacun l’approuvât de sa signature ; quelques-uns se récriaient sur cette façon arbitraire de procéder, mais Launoy arracha les signatures en jurant à l’assistance qu’il ne s’agissait que de la défense de la religion. Il existe aux archives nationales des actes et mémoires tirés des registres du parlement de la ligue où se trouve consignée une curieuse relation de cette séance ; elle prouve que les seize, malgré les assurances de Launoy, songeaient surtout à s’emparer des charges dont les titulaires étaient voués à la mort. « Messieurs, dit Bussi-Leclerc, nous devrions souhaiter que ceux de cette compagnie eussent les principales charges de la ville ; ce serait un grand bien et un grand avancement pour notre religion. » Ameline alors s’écria, dans l’enthousiasme que lui causaient les résolutions qui venaient d’être prises : « Je pense que je n’ai point reçu tant de grâce de Dieu le jour de mon baptême comme j’en ai reçu d’avoir eu cet honneur d’être en votre compagnie. » Il s’était constitué depuis peu au sein du conseil de l’union un comité de dix membres, sorte de comité de salut public ayant pour mission de pourvoir à l’application des mesures adoptées et qui faisait au conseil son rapport. Ce comité tint le lendemain une nouvelle séance secrète ; le mode d’exécution du crime que l’on méditait y fut arrêté. Cependant de sinistres rumeurs circulaient dans la ville. Il y avait parmi les seize des allées et des venues inquiétantes ; on remarquait l’activité des hommes les plus connus par leur exaltation