Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reconnaître comme l’héritier du trône ; puis venait le parti du duc Charles de Lorraine, qu’avait comme suscité la feue reine-mère, et qui prétendait appeler à la couronne de France ce prince ou son fils aîné, qu’on aurait marié, afin de s’assurer l’appui de l’Espagne, à la plus jeune des filles de Philippe II. Quelques-uns mettaient en avant le duc de Savoie, petit-fils de François Ier par sa mère et gendre du roi catholique. Ceux qui étaient le plus attachés à la mémoire de Henri de Guise songeaient à son fils. Enfin Mayenne, poussé par sa sœur, la duchesse de Montpensier, avait aussi des vues sur le trône. Le cardinal l’emporta. Quoique ce prince fût retenu prisonnier par Henri IV, on le proclama, sans enthousiasme, il est vrai, même avec quelque résistance de la part du parlement. Ce ne fut là qu’une royauté fictive. Mayenne demeura investi de l’autorité supérieure en sa qualité de lieutenant-général de l’état royal et couronne de France. D’ailleurs la mort du pseudo-Charles X, arrivée le 8 mai 1590, mit promptement fin à une fiction qui n’avait été qu’un expédient. Paris s’attendait à être attaqué par Henri IV ; mais le roi, qui sentait la difficulté de commencer immédiatement le siège, préféra pour se fortifier étendre les avantages qu’il avait obtenus depuis deux mois, et s’emparer du plus grand nombre de villes possible. Il se porta d’abord en Normandie. Les Parisiens, dès qu’ils l’avaient vu lever le camp, s’étaient imaginé qu’il allait se retirer derrière la Loire, et ne faisaient nul doute qu’il ne fût écrasé par Mayenne. Celui-ci quitta la capitale le 27 août en annonçant qu’il allait prendre le Béarnais ; mais la ligue avait affaire à un plus fin et plus rude jouteur qu’elle ne pensait, et des difficultés de tout genre vinrent entraver ses opérations. La division qui s’était déjà manifestée dans le parti catholique se prononçait chaque jour davantage : d’un côté, les ligueurs modérés, gens de sens, ayant à leur tête les hommes d’état que Mayenne avait fait entrer dans le conseil-général de l’union, patriotes sincères, non moins hostiles à l’Espagne qu’à un roi huguenot ; de l’autre, les seize, hommes entreprenans et énergiques, mais sans vues pratiques et sans capacité des affaires, animés de passions violentes et d’un fanatisme aveugle qu’ils communiquaient aux masses sur lesquelles ils exerçaient un funeste empire. Les premiers cherchaient à affermir dans les mains de Mayenne une autorité indispensable pour rétablir l’ordre, et entendaient ne pas toucher aux vieilles institutions ; les seconds poussaient aux mesures révolutionnaires, exaltant la population par des déclamations contre les huguenots et les politiques, déclarant sans cesse la ville en danger, soulevant le menu peuple sous prétexte de la défendre. Les magistrats municipaux, quoique dominés par ces factieux, s’inquiétaient cependant de l’agitation qu’ils provoquaient, et tenaient la milice bourgeoise sous les armes, toute prête à