Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des confréries. On tint peu compte de ses défenses ; non-seulement les confréries subsistèrent, mais des personnes considérables s’y affilièrent pour les diriger. L’ordonnance de mai 1579 réitéra les mêmes interdictions, et édicta les peines les plus rigoureuses contre les auteurs d’associations et de ligues. La nouvelle ordonnance n’atteignit pas son but, et, comme on l’a vu, les ligueurs ne s’unirent que de plus belle pour arriver à leurs fins.

Ainsi, pendant que les états-généraux se tenaient encore à Blois, au moment où l’on présentait les cahiers au roi, la ville de Paris constituait un contre-gouvernement, et organisait sur une vaste échelle une insurrection sans attendre les décisions des assemblées des trois ordres. Maîtres de l’Hôtel de Ville, les seize l’étaient aussi de la Sorbonne ; ils y avaient plusieurs des leurs et y comptaient un grand nombre d’adhérens. Réunie à leur instigation, la faculté de théologie décida, malgré l’avis de quelques-uns des plus anciens docteurs, que le peuple français était délié du serment de fidélité envers Henri III, et pouvait en toute sûreté de conscience prendre les armes contre lui. Cette décision, que le corps de ville se hâta d’envoyer aux bonnes villes du royaume, effraya les catholiques timorés, et fit croire à bien des gens que la cause du roi était perdue.

Excitée par les prédicateurs, absoute par la Sorbonne, la populace alla se ruer sur tout ce qui rappelait le nom et le souvenir d’Henri III ; elle déchira ou barbouilla toutes ses images, elle brisa le tombeau de ses mignons Quélus, Saint-Mégrin et Maugiron. Elle ne gardait plus de bornes dans sa licence ; les seize la toléraient, car c’était là qu’ils trouvaient leurs principaux auxiliaires. Ils s’arrogèrent d’importans emplois, et des charges considérables furent alors occupées par des hommes sans valeur et de la plus médiocre condition. Le parlement devenait plus que jamais un obstacle aux factieux. Plusieurs émeutes avaient eu déjà pour but de l’intimider et de le contraindre à juger selon le bon plaisir de messieurs de la ville. Le premier président, Achille de Harlai, et le président de Thou restaient fermes sur leur siège, et avaient eu le courage de se rendre à l’assemblée de l’Hôtel de Ville où s’étaient prises les nouvelles résolutions ; les menaces dont ils furent l’objet les empêchaient d’opiner. Les seize entendaient briser l’opposition que pouvaient leur faire ces magistrats ; de plus il y avait dans le conseil de l’union bon nombre de procureurs, de greffiers et de commissaires de police envieux de la haute magistrature et désireux de la renverser. On savait que le parlement, quoiqu’il eût reçu le serment du duc d’Aumale et lâché quelques autres concessions, n’entendait pas rompre avec le roi, et se refusait à renvoyer sans les ouvrir les lettres de celui-ci, comme le corps de ville l’avait déjà fait à trois reprises différentes. Le président Lemaistre, qui