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mais il eut la faiblesse de nommer lieutenant-général du royaume le duc de Guise, qui avait été le principal instigateur de l’insurrection, se dépouillant ainsi de l’autorité en faveur de son plus constant ennemi. Il ne fit point obstacle à la réunion des états-généraux, à laquelle poussaient activement les ligueurs, assurés d’y avoir la grande majorité, et, tout en résistant, il se laissa dominer. L’histoire des états de Blois est trop connue pour qu’il soit besoin d’en rien dire ici ; je ne parlerai que de la représentation que s’était donnée Paris. Comme à toutes les époques de fièvre révolutionnaire, les choix y furent des plus exagérés. Les défections devenaient d’ailleurs nombreuses dans le camp des politiques. Une foule de gens, voyant le roi faiblir, avaient passé du côté du plus fort, et les plus fraîchement ralliés à la ligue cherchaient à faire oublier leur tardive conversion par l’excès de leur zèle. Ainsi en agissait Baston, ce procureur ruiné et accusé d’abus de confiance, qui, après avoir offert à Henri III ses services pour assassiner le duc de Guise, alla, quand il se vit éconduit, grossir les rangs des seize, dont il devint un des plus redoutables instrumens. Les députés de Paris étaient La Chapelle-Marteau, le prévôt des marchands sorti des barricades, son beau-père, le président de Neuilly, l’échevin Compans, intrigant de bas étage, catholique ardent après avoir été huguenot, l’avocat Anroux, l’un des membres les plus infatigables de l’union, l’avocat Louis d’Orléans, qui s’était acquis une grande notoriété par son fameux pamphlet : l’Advertissement d’un catholique anglois aux catholiques françois, et deux des curés les plus fougueux dans leurs sermons, Jacques Cueilly et J. Pelletier. Au reste, comment aurait-on pu faire d’autres choix dans l’état d’excitation où étaient les esprits ? Loin de se calmer, le désordre ne faisait que s’étendre ; le peuple chassait des églises les curés qu’il ne trouvait pas assez ligueurs ; les mutins couraient la nuit par les rues, armés et sans lumière. On avait beau interdire d’y tirer des coups de feu, défendre aux écoliers de sortir sans congé du principal de leur collège, le bureau de la ville n’était pas obéi, et il dut renouveler bien souvent ses mandemens à cet égard.

La tactique des députés fut de créer des embarras au roi ; leur préoccupation était de travailler non dans l’intérêt du pays, mais dans celui du duc de Guise. Ainsi, tandis qu’ils réclamaient à grands cris la guerre contre les huguenots, ils refusaient l’argent indispensable pour la faire. Henri III, environné d’ennemis, engagé dans des complications dont de plus habiles et de plus actifs seraient difficilement sortis, se jeta dans un parti extrême, et fit assassiner l’homme qu’il n’osait ouvertement combattre. Le double meurtre commis à Blois creusa un abîme entre le roi et sa bonne ville de Paris en suscitant contre lui la haine implacable des