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bourgeois, des artisans, des jeunes gens des écoles. Henri III fait des concessions trop tard et quand il ne peut déjà plus dominer l’insurrection. Menacé dans son palais par une populace déchaînée, conduite par quelques têtes folles et exaltées, il prend la fuite comme Charles X et Louis-Philippe, après avoir montré la même indécision. Peut-être, comme ce dernier, Henri III recula-t-il, ainsi qu’il l’écrivait aux gouverneurs des provinces, devant la nécessité de verser à flots le sang de ses sujets. Les troupes quittent Paris, plus humiliées encore que vaincues ; puis, quand la révolte a triomphé, une partie de ceux qui avaient imprudemment poussé à la résistance ou sottement laissé faire, effrayés des proportions qu’elle a prises, tentent de vains efforts pour en arrêter les conséquences. Ils croyaient n’avoir mis qu’un frein à la volonté royale, ils ont renversé un trône.

Paris s’attendait si peu en 1588 à une telle catastrophe qu’il fut comme abasourdi de sa victoire. Un calme apparent succéda aux trois journées de tumulte et d’inquiétude. Le duc de Guise ne négligea rien pour rétablir l’ordre et rassurer les esprits. Il exalta, dans une sorte de proclamation, la générosité et la modération du peuple qui avait été, disait-il, l’objet manifeste en cette rencontre de la protection divine. C’était à peu près déjà le langage que devaient tenir les enthousiastes de 1789, de 1830 et de 1848 ; mais la tranquillité ne fut pas de longue durée. Catherine de Médicis, qui s’imaginait que le triomphe de Guise pouvait être favorable à ses desseins, s’entremit de son côté pour tout pacifier et maintenir entre la ville rebelle et son fils des relations qui ne laissassent pas la rupture se consommer. Les chefs de l’insurrection ne songeaient pas au reste dans le principe à briser entièrement avec le roi ; ils affectaient d’agir en son nom et provisoirement, d’attendre de lui la confirmation de leurs actes. Tous les corps constitués restaient debout, et Guise croyait n’avoir qu’à prendre la place laissée vacante par Henri III pour que rien ne fût changé. Le parlement était toujours à son poste, il hésitait pourtant à continuer de rendre la justice ; mais l’autorité militaire, à laquelle appartenait alors surtout le pouvoir exécutif, était en déroute. Le conseil de l’union la remplaça ; de puissance occulte, il devenait désormais une autorité avouée et quasi reconnue. Il décida de remettre au corps de ville la direction suprême de la cité, sous prétexte qu’il fallait avant tout pourvoir à sa défense et à sa sécurité. C’était là le moyen d’arriver à la réalisation du plan qu’il avait tracé dans les instructions remises pour les provinces à ses émissaires. Les seize annoncèrent donc pompeusement leur intention de rétablir les anciennes franchises municipales que le bureau de la ville rappelait dans sa requête au roi du 5 mai 1579. La restauration de ces franchises consistait