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fermer les chaînes des rues et veillait à ce qu’elles fussent en bon état ; on déposait chez lui les clés de la porte de la ville sise en son quartier.

Henri III s’efforça de tenir dans sa main tout cet ensemble de fonctionnaires municipaux que cherchait à gagner la ligue ; il voulait qu’ils fussent affectionnés à son service, et s’imaginait les retenir par le serment de fidélité que ceux qui le prêtaient commençaient à subordonner aux décrets émanés de l’autorité théologique. Il n’avait pas l’œil moins éveillé sur la milice bourgeoise. Il s’était attaché, par l’introduction d’un nouveau règlement, à en bien préciser et circonscrire l’intervention, à y faire régner la discipline ; mais ce règlement ne pouvait porter fruit qu’autant que le prévôt des marchands était un homme sûr et dévoué. Or les ligueurs avaient déjà réussi plusieurs fois à faire passer leurs candidats, et dès 1582 on avait élu un des meneurs du parti, le président de Neuilly, magistrat ignorant et mal famé qu’on accusait du meurtre du président La Place lors de la Saint-Barthélémy. Le mécontentement soulevé par l’accroissement des impôts était, il est vrai, fort vif cette année-là, et c’est en qualité de prévôt des marchands que Neuilly tint en janvier 1583 l’assemblée de l’Hôtel de Ville, où furent rédigées les remontrances sur les 200,000 écus auxquels avait été fixée la quote-part que la capitale devait payer sur les 1,500,000 exigés de tout le royaume. Le roi fit à la députation qui lui porta cette protestation une réponse bénigne de bouche ; mais il écrivit ensuite au bureau de la ville qu’il entendait que la somme fût acquittée. On tint alors une nouvelle assemblée où il fut résolu qu’on répondrait au roi que la population était dans l’impossibilité de payer. Henri III passa par-dessus les formalités et exigea cavalièrement les 200,000 écus du receveur de la ville. On comprend donc qu’avec des prévôts des marchands de la trempe de Neuilly la milice bourgeoise fût pour le roi et pour la tranquillité de la cité un péril au lieu d’être une sauvegarde. C’était pour parer aux dangers que pouvait présenter une telle institution qu’Henri III s’était réservé la nomination des colonels placés à la tête des compagnies de chaque quartier respectif ; il avait investi de ces commandemens divers membres des cours souveraines, des officiers de la couronne et quelques anciens échevins sur lesquels il croyait pouvoir compter.

Les demandes d’argent adressées par lettres patentes du roi à la ville de Paris étaient notifiées au bureau qui vérifiait les édits concernant les matières de sa compétence. Au prévôt des marchands et aux échevins était dévolu le droit de passer contrat au nom du roi pour les emprunts et constitutions de rentes. Il s’ensuivait que tout ce qui touchait à l’établissement des impôts, aux dons réputés volontaires, était examiné et discuté à l’Hôtel de Ville, ce qui