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signifiait d’homologuer. En septembre 1578, Henri III envoya d’un coup vingt-deux édits pareils à enregistrer ; le parlement n’en voulut vérifier que deux. Le roi se fâcha ; pour l’apaiser, ce corps en vérifia encore quelques-uns des moins mauvais. La cour des aides essayait de son côté, quoique plus faiblement, de mettre des bornes à cette prodigalité fiscale chaque fois qu’il lui était enjoint de publier un nouvel édit sur les droits d’entrée ; mais l’autorité royale était en principe souveraine, et quand Henri insistait pour qu’on observât ses volontés, quelque imprudentes et fâcheuses qu’elles pussent être, il fallait bien céder. Les cours de justice étaient les gardiennes des lois, et la première de toutes, c’était l’obéissance au monarque. Une résistance obstinée aurait ouvert la porte à la rébellion, qui n’avait que trop d’occasions d’éclater. Toutefois chaque victoire remportée par la ténacité d’Henri sur le parlement et les autres cours portait une nouvelle atteinte au reste d’attachement que le peuple conservait pour la couronne.

Bien faible, il est vrai, était alors ce sentiment. Jamais on n’avait parlé du monarque avec plus de hardiesse et d’irrévérence. Quoiqu’on sévît de la façon la plus rigoureuse contre les auteurs de libelles attentatoires à sa personne, à ses droits et à sa dignité, qu’il en coûtât même parfois la vie aux auteurs, le nombre des écrits satiriques dirigés contre Henri III et ses favoris allait grossissant, et en 1587 on en imprima une multitude. Ajoutez à cela des images destinées à verser le ridicule et l’odieux sur la personne royale, sur tous ceux qui étaient en faveur à la cour. Les calvinistes avaient publié les premiers ces sortes de caricatures, les ligueurs les imitèrent. Les docteurs de Sorbonne, qui se croyaient infaillibles en leur qualité de théologiens, fulminaient contre les actes du gouvernement royal ; prêtres et moines reprochaient du haut de la chaire en termes injurieux et souvent grossiers à Henri III ses vices, son hypocrisie et sa faiblesse pour les hérétiques. Le clergé d’ailleurs n’avait pas plus à se louer que les bourgeois de l’administration du royaume ; il était fatigué des demandes de décimes extraordinaires, il se voyait privé d’une partie de ses bénéfices, dont on trafiquait à la cour en faveur de laïques, de gentilshommes mariés, même de femmes et d’enfans. Les fidèles, à force d’entendre déclamer contre le roi, finissaient par croire qu’ils étaient gouvernés par un tyran, un monstre, un suppôt du diable, et ne se tenaient plus dès lors, pour obligés à lui obéir. Le bas peuple, dépourvu de toute lumière, devait montrer encore à cet égard plus de crédulité que les bourgeois. Comme c’était presque sur lui seul que retombaient les sévérités de la loi, tandis que parmi les gentilshommes il y avait des assassins, des escrocs et des faussaires qui promenaient au grand jour leur impunité, il était