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mais nous savons que la colonie de Shang-haï, aussi bien que les résidens des autres ports de la Chine, a dénoncé Tchoung-hou à l’Europe comme un complice de l’assassinat des vingt-deux Européens de Tien-tsin. Il était le premier magistrat de la cité, et il a refusé d’intervenir quand le consul anglais et après lui M. Fontanier le supplièrent d’apaiser la foule ; s’il n’était pas l’un des instigateurs du complot, il n’a fait aucun effort sérieux pour découvrir les auteurs de cet abominable attentat.


IV.

Si déplorable que soit en elle-même la catastrophe du 21 juin 1870, c’est peut-être avant tout par ses conséquences prochaines qu’il convient de l’envisager. En Chine, tous les peuples de l’Occident sont solidaires. Qu’ils soient négocians ou missionnaires, de race anglo-saxonne ou de race latine, aux yeux des indigènes Européens et Américains sont des étrangers, des barbares, parlant la même langue, professant la même religion. Ce qui profite ou nuit à la France ne peut, dans l’extrême Orient, que profiter ou nuire aux autres puissances. Aussi, dès le 24 juin, les ministres plénipotentiaires des États-Unis, d’Espagne, de Belgique et de Prusse et les chargés d’affaires d’Angleterre et de Russie s’unissaient-ils à M. de Rochechouart pour adresser au Tsong-li-yamen une protestation contre le massacre de la colonie française. En réalité, l’union des diplomates de race blanche n’était pas aussi complète qu’on l’eût pu croire, à tel point qu’on se laisse aller à penser que cette démarche ne fut qu’un acte de haute convenance. On remarquait dans leur protestation collective cette phrase curieuse : « les soussignés ne doutent pas que le gouvernement de l’empereur partage l’indignation générale qu’ont inspirée ces atrocités, et qu’il a conscience de la responsabilité qui pèse sur lui, car, dans le cas où de tels actes se reproduiraient, la position du gouvernement impérial serait sérieusement compromise dans le monde entier. » De moins naïfs se seraient imaginé que cette seule affaire suffisait à compromettre le Céleste-Empire. Les Anglais auraient bien voulu se persuader que les Français, seuls victimes des émeutiers de Tien-tsin, étaient aussi les seuls Européens antipathiques à la population chinoise. Qu’on en juge par les propres paroles du ministère britannique. Le 24 mars de cette année, lord Granville est appelé à donner son avis sur cette grave affaire devant la chambre des lords. Il attribue le massacre aux préjugés de la population native, aux imprudences des missionnaires, à la haine des Chinois contre l’étranger et à l’inertie des mandarins. Il exprime le regret que le clergé ca-