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chera naturellement la combinaison qui peut le plus largement répandre l’instruction dans le corps entier de la marine. Cette combinaison me paraît s’indiquer d’elle-même ; il faut multiplier le nombre des campagnes et en abréger la durée.

Nous avons découvert récemment chez nos marins des aptitudes qu’autrefois on mettait en doute ; on les savait canonniers, on croyait qu’ils ne feraient jamais qu’une infanterie médiocre. Certes je suis de ceux qui veulent que l’on tienne avant tout notre métier en honneur, qui verraient avec peine le corps de la marine méconnaître son rôle et sortir de sa voie traditionnelle pour devenir une branche auxiliaire de l’armée ; je n’en ai pas moins constamment protesté contre une opinion qui tendait à jeter le découragement dans nos corps de débarquement. Je suis heureux que les événemens aient si bien montré ce que ces corps pourraient être ; l’action de nos flottes sur le littoral ennemi en deviendra plus efficace. Ne serait-il pas fâcheux qu’une escadre, ayant à sa disposition 5 ou 6,000 hommes d’élite, ne fût pas toujours prête à exécuter par ses propres moyens un coup de main, une reconnaissance, une descente ? Toute réunion un peu considérable de navires devra tirer désormais de son propre sein les troupes dont elle aura besoin pour une opération quelconque de petite guerre. Il y a longtemps que j’expose cette idée aux officiers qui par leur âge sont appelés à la réaliser un jour ; je n’ai cessé de demander que le nombre des armes portatives distribuées à chacun de nos bâtimens fût sensiblement accru, que nos compagnies de débarquement fussent munies des objets de campement sans lesquels on ne peut les éloigner du rivage, qu’une section pourvue des outils les plus indispensables pour ébaucher un retranchement ou pour faire disparaître un obstacle accompagnât toujours nos fusiliers mis à terre et nos obusiers de montagne. Ce que les flottes romaines, ce que les invasions normandes ont pu faire, nos escadres, dès qu’elles ont nettoyé la mer, doivent être en mesure de le tenter. Quand chaque navire cuirassé portera sur ses flancs, comme je le crois indispensable, sept ou huit canots à vapeur, une escadre ne se montrera plus sur les côtes ennemies sans y semer l’alarme et sans y apporter la dévastation. Il serait superflu d’insister sur ce sujet ; nous aurons dû aux malheurs que nous venons de subir la transformation de nos mœurs. Tout Français va devenir soldat ; les vœux que je formais, il y a moins d’une année, sans me dissimuler les grandes difficultés qui pouvaient en ajourner la réalisation, se trouveront accomplis, si on laisse seulement la marine aller où la conduit la pente naturelle des choses.

Bien des gens s’étonneront de me voir exposer avec cette tranquille confiance un programme qui respire si peu le découragement ; plus d’une fois mes amis ont raillé ce qu’ils se permettaient d’ap-