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telles profondeurs, où leurs dépouilles seulement se trouvent peut-être entraînées. C’est entre 300 et 400 mètres, surtout aux abords des estuaires et sous l’influence de certains courans, qu’elles se multiplient de façon à composer à elles seules des bancs entiers. Il convient d’ajouter ici une remarque due à MM. Ed. Forbes et Loven et confirmée par M. Wallich; elle est relative à l’extension en profondeur des êtres organisés, plus grande dans les mers reculées vers le nord que dans celles du midi. Non-seulement les zones successives à partir du rivage se prolongent beaucoup plus loin au sein des eaux sur les plages du Labrador et du Groenland, mais le développement de la vie ne s’y manifeste qu’à un niveau bien inférieur à celui où il atteint son maximum dans les régions plus méridionales. Les algues en particulier ne se multiplient qu’à la profondeur où elles commencent à diminuer sous d’autres latitudes. On peut fournir une explication satisfaisante de ce phénomène : en effet, s’il est vrai que beaucoup d’êtres marins paraissent indifférens à l’abaissement de la température, ou fréquentent de préférence les eaux froides, presque tous cependant périssent au contact immédiat de la glace. Or la couche superficielle des mers polaires est tellement modifiée par les eaux douces, qui s’y déversent en abondance, surtout le long des fiords et des estuaires, dans les baies et les passes où se pressent les glaces flottantes, qu’elles accusent un degré de salure très faible, ou même nul. Les eaux douces, à cause de leur moindre densité relative, tendent à se maintenir à la surface ou ne se mélangent qu’imparfaitement avec la couche des eaux salées inférieures. Dès lors on conçoit très bien que les divers organismes désertent une zone non-seulement dépourvue des principes chimiques qui constituent l’eau de mer ordinaire, mais qui par cela même est sujette à se congeler plus rapidement, — double inconvénient que ces êtres évitent en se tenant à un niveau plus bas. L’admirable limpidité des eaux polaires, souvent remarquée des voyageurs, permet à la lumière affaiblie de ces régions de faire encore sentir son influence entre 27 et 182 mètres aux puissantes laminaires qui revêtent les fonds de véritables forêts sous-marines.

Quelle que soit la limite exacte où il s’arrête, le règne végétal cesse bien avant l’autre. On rencontre encore certains poissons à 900 et jusqu’à 1,100 mètres. Ces animaux sont sans contredit les plus élevés en organisation de tous les êtres sous-marins, puisque les phoques et les cétacés sont obligés de venir respirer à la surface; ce sont eux par conséquent que les effets de la pression devraient affecter davantage. M. d’Archiac affirme effectivement, d’après des expériences récentes, l’impossibilité où seraient les poissons de supporter sans périr une pression égale à celle qui existe à 3,620 mètres