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définitivement par César, qui cessa d’encourager les révolutions quand la sienne eut réussi. Pendant près de vingt ans, on ne célébra plus à Rome les jeux du carrefour ; mais, malgré cette longue interruption, le peuple n’avait pas cessé de s’en souvenir et de les regretter. Auguste, qui savait bien qu’il pouvait être populaire sans péril, n’hésita pas à les lui rendre. Ils furent célébrés après la victoire d’Actium parmi les fêtes du triomphe. « Toutes les rues, dit Virgile, retentissaient de cris de joie, d’applaudissemens et de jeux. » Quelques années plus tard, Auguste leur donna une consécration nouvelle. En 746, il voulut réorganiser l’administration municipale de Rome, que la république avait laissée en fort mauvais état. Il divisa la ville en quatorze régions et en deux cent soixante-cinq quartiers ; chacun de ces quartiers était administré par quatre fonctionnaires appelés magistri vicorum, qui étaient de petits bourgeois ou des affranchis du voisinage désignés probablement par l’autorité supérieure. Il existait au-dessous d’eux une réunion ou collège de quatre esclaves appelés ministri qui leur étaient sans doute subordonnés, et qu’on trouve associés avec eux dans la dédicace de quelques monumens. Cette réforme, qui donna plus d’ordre et de sécurité dans Rome, fut regardée comme très importante. On en fit une ère nouvelle, et les magistri vicorum des époques suivantes datent leurs actes de l’année où leur magistrature avait commencé. Ici encore, fidèle à sa politique ordinaire, Auguste essaya de donner à l’institution qu’il créait l’appui du passé, il voulut la faire profiter de la vieille popularité des lares du carrefour. Les fonctions des magistri vicorum étaient doubles. Comme administrateurs civils, ils s’occupaient sans doute de la police de leurs quartiers, ils répartissaient entre les habitans les libéralités impériales, ils avaient sous leurs ordres les esclaves chargés d’éteindre les incendies, et nous les voyons faire présent à leurs administrés de poids étalons pour les matières d’or et d’argent. Les monumens nous montrent qu’ils étaient en même temps des fonctionnaires religieux. Le centre du quartier était toujours resté à la chapelle du carrefour ; les magistri vicorum en étaient naturellement les prêtres. Indépendamment des anciennes fêtes qui n’avaient pas disparu et de la purification des quartiers dont ils étaient chargés, Auguste voulut que deux fois par an, au mois de mai et au mois d’août, on apportât des couronnes de fleurs aux dieux lares. Ces fêtes nouvelles furent l’occasion d’une innovation très importante. Les lares anciens étaient au nombre de deux ; la reconnaissance publique, et surtout celle des magistri vicorum qui devaient leur existence à l’empereur, en ajouta un troisième, le génie d’Auguste. Malgré la résolution qu’il avait prise de ne pas se