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pinéale se dressant, s’inclinant à droite ou à gauche, s’agitant sur sa tige, « parce que cela doit être ainsi. »

Descartes avait beaucoup disséqué dans sa vie. On peut dire qu’il eut le sentiment très vif qu’il fallait demander à la conformation des organes le secret de la nature de l’homme ; mais ce sentiment fut toujours faussé en lui par la présomption magistrale du métaphysicien. On connaît l’anecdote de sa maison d’Eymond. Il y fut visité par un gentilhomme qui lui demanda à voir sa bibliothèque, et qui le pria de lui dire quels étaient les livres de physique qu’il estimait le plus, et dont il avait fait sa lecture ordinaire. Descartes, pour satisfaire la curiosité du visiteur, le conduisit dans une salle qu’il avait fait disposer pour la dissection, et, tirant un rideau, lui montra un fœtus de vache et ses scalpels tout prêts. « Voilà, lui dit-il, ma bibliothèque, voilà l’étude à laquelle je m’applique le plus maintenant. » Son historien Baillet prend soin d’observer que cette réponse n’avait « rien d’indigne de l’état de M. Descartes. » Toujours est-il qu’elle fit grand bruit, les uns la mettant au rang des plus rares apophthegmes, les autres n’y voyant que le témoignage de la plus aveugle suffisance. Oui, en effet, c’est bien là le livre ; mais il fallait savoir y lire, et en l’ouvrant Descartes s’était d’avance fermé les yeux. Plus jeune, il avait fort bien étudié l’œil, parce qu’il n’eut d’autre préoccupation que d’y voir un appareil de physique ; il étudia tout aussi bien le cœur, la machine qui pousse le sang. Par malheur, si la caméra de l’œil, le cœur avec ses soupapes, parlaient clairement à l’esprit du géomètre, le métaphysicien, déraisonne en face du cerveau, au point qu’on en reste confondu. Les notes de Descartes retrouvées dans les papiers de Leibniz attestent l’importance qu’il donnait aux études anatomiques, mais aussi une impuissance particulière de ce génie, auquel, par un singulier caprice de la nature, la biologie devait rester une science absolument fermée. Ses admirateurs disent qu’il a excellé dans l’analyse des passions ; ils oublient qu’il faut à cette étude une base solide qu’on n’avait point alors. Il n’est plus à craindre que les conquêtes à venir ajoutent à l’écroulement déjà complet de tout ce qui touche aux sciences de la vie dans les œuvres de l’immortel géomètre.

La glande pinéale n’est pas même de nature nerveuse ; c’est bien réellement une glande comme celles qui sécrètent la salive ou la bile. Elle n’a donc rien à faire, au moins directement, avec les phénomènes purement nerveux du cerveau. C’est dans la couche de substance grise étalée à la surface de celui-ci que les physiologistes s’accordent aujourd’hui assez généralement à placer le siège, de tous ces actes consciens que nous ne pouvons définir, et que nous désignons tant bien que mal par les noms de pensée, mémoire,