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d’exemples. Les universités, les corps savans, les municipalités, l’accueillent, on frappe des médailles en son honneur. Il arrive à Paris précédé d’une immense renommée, et sans tarder il présente un grand mémoire à l’Académie. Celle-ci nomme une commission au nom de laquelle Cuvier, peu de jours après, présente un rapport. Il y avait deux choses dans le mémoire de Gall : sa doctrine d’abord, connue de tout le monde, et sur laquelle Cuvier ne se prononce point, et une autre partie tout anatomique, avec des vues sur la structure intime du cerveau, dont le rapporteur fit l’éloge. Gall démontre que la substance blanche est composée d’un amas innombrable de fibres ayant toutes une direction précise, constante, en rapport évident avec des fonctions définies, et qu’il devient dès lors urgent de bien connaître. Ces fibres sont toutes semblables à celles que Leeuwenhœck avait vues dans les nerfs, mais d’une extrême mollesse. Celles des nerfs doivent leur solidité seulement aux enveloppes qui les protègent contre les froissemens des organes voisins. Les fibres molles du cerveau mettent en communication l’une avec l’autre des parties différentes de la substance grise, et par conséquent attestent entre celles-ci des rapports directs. Avoir démontré ce seul point suffirait à la gloire de Gall. Il jetait la solide assise sur laquelle la physiologie moderne allait bientôt commencer d’édifier la science positive de l’intelligence : la connaissance de l’anatomie intime du cerveau devenait l’introduction nécessaire à toute étude psychologique. Aussi vit-on les anatomistes, en Allemagne surtout, se lancer résolument dans la voie tracée par Gall. Un d’eux, du nom de Stilling, a écrit sur l’agencement des fibres de la moelle épinière un gros volume de 4,000 pages in-4o compactes. La direction des fibres du cerveau, pour être décrite aussi complètement, demanderait au moins vingt volumes pareils et vingt existences d’homme, et, avant que ce gigantesque travail soit accompli, bien des problèmes peut-être resteront insolubles.

L’assimilation des filamens ou tubes qui composent la substance blanche cérébrale avec ceux des nerfs était un grand point. Ceux-là se dérobent presque absolument à l’expérimentation : comment les aller chercher dans les profondeurs du crâne, où ils sont cachés, sans compromettre la vie ? Sur cette pulpe molle que froisse et que tue le moindre contact, comment appliquer un instrument ? comment isoler un faisceau pour savoir où vont et d’où viennent les tubes qui le composent ? Sur un nerf au contraire, tout cela est clair : les filamens sont tous parallèles, il est facile d’en connaître la destination ou l’origine ; ils sont comme isolés au milieu des organes et facilement accessibles au scalpel sans que la légère opération pour les mettre à découvert en trouble même les fonctions.