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mettre à nu le cerveau sur les animaux vivans, il note les parties qu’on en peut enlever sans déterminer la mort, il pratique la section de la moelle, et découvre le nœud vital ; il définit nettement le double rôle des nerfs, il les lie ou les coupe, et il voit que les parties situées au-dessous de la ligature perdent à l’instant même tout pouvoir de sentir ou de se mouvoir, tandis qu’au-dessus rien n’est changé. C’est le grand et sérieux début de recherches négligées pendant treize siècles après lui, reprises par Haller, et qui se poursuivent maintenant avec une intensité chaque jour croissante.


II.

Le système nerveux de l’homme comprend deux séries d’organes : les centres, représentés par le cerveau, le cervelet et la moelle, et d’autre part les nerfs, rayonnant de ces centres dans tout le corps. Les anciens les avaient confondus avec les tendons et les ligamens, parce qu’ils ont le même éclat nacré. Les ligamens et les tendons ne sont que des liens ; les nerfs ont une fonction plus haute : ils mettent en communication avec les centres tous les points de notre être, comme un réseau télégraphique sous le sol d’une cité. On sait, depuis le célèbre micrographe Leeuwenhœck, qu’ils sont formés de filamens fort déliés, réunis en faisceaux plus ou moins gros. Ces filamens, appelés souvent tubes par suite d’une ancienne erreur, sont la partie essentielle du nerf. Nous aurons donné une idée de leur ténuité en disant que le diamètre des plus gros n’atteint pas 14 millièmes de millimètre. Beaucoup n’ont que 2 millièmes ou 1 millième de millimètre et moins encore. Les plus ténus n’apparaissent dans le champ des meilleurs microscopes que comme des fils d’araignée sans épaisseur appréciable.

La structure, externe des centres nerveux ne devait être connue que beaucoup plus tard, de nos jours. On savait seulement que le cerveau, la moelle et le cervelet sont composés de deux substances fort différentes d’aspect : l’une grise, un peu rosée, légèrement transparente, l’autre d’une blancheur mate, éclatante, toutes deux également pulpeuses et se laissant écraser sous le doigt comme une bouillie molle. Les anatomistes s’étaient à peu près bornés à étudier le volume, la figure et les contours de ces parties, quand un homme célèbre par ses exagérations de doctrine, mais qu’il faut se garder de juger trop légèrement, le docteur Gall, vint ouvrir à l’étude anatomique et physiologique du cerveau une voie toute nouvelle. Gall, expulsé, de l’université de Vienne comme professant des doctrines dangereuses, avait fait à travers l’Europe un voyage triomphal dont les carrières scientifiques offrent peu