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dont on a fait aussi une légende, il résolut de retourner de sa personne en Angleterre, quoi qu’en pussent penser de frivoles courtisans, qui disaient que c’estoit grand folie. En effet, au mois de décembre 1363, le roi de France appareillait pour l’Angleterre, où il fut reçu avec un indescriptible enthousiasme. M. de Sismondi est seul demeuré froid devant cet acte d’honnêteté auquel applaudit toute l’Europe du xive siècle. Les fêtes furent prodiguées au roi Jean, qui succomba quelques mois après, à Londres, à la suite d’une maladie courte et subite, à l’âge de quarante-quatre ans, le 8 avril 1364.

Son fils aîné, le duc de Normandie, lui succéda sous le nom de Charles V. À lui échut le soin de réparer les malheurs du règne de son père, et de relever la France de l’abaissement où l’avait réduite le traité de Brétigny. Il faudrait un livre pour raconter cette histoire consolante, et il ne me reste qu’une page. Charles le Sage eut raison du roi de Navarre, qui se révolta de nouveau au lendemain de la mort du roi Jean ; Duguesclin battit le perfide à Cocherel. Le méchant prince eut recours au poison : c’était la deuxième fois qu’il usait du moyen envers son beau-frère. Celui-ci mit la noirceur du roi de Navarre au grand jour, le perdit de réputation dans l’esprit des peuples après l’avoir détruit sur les champs de bataille, et assura la paix intérieure de l’état, il restait le traité fatal qui enchaînait la France. Charles le Sage en eut raison aussi, d’abord en ravivant par une bonne administration les ressources du pays, en ranimant ses forces épuisées et en préparant leur action par des dispositions habiles : il réunit ce que son père avait trouvé divisé, usa les obstacles au lieu de les heurter, sut être quelque peu clerc en un siècle de renaissance, et, dirigeant l’opinion en marchant avec elle, il accrédita son gouvernement et reconstruisit la puissance royale par de bonnes lois et de prévoyantes mesures ; puis au jour opportun, il fut prêt à revendiquer les droits de la couronne.

L’Angleterre avait commis la faute d’abuser de la victoire envers un grand pays que la fortune avait trahi, mais à qui la nature elle-même prodiguait les moyens de se relever de sa chute ; elle en commit une nouvelle en rusant sur l’exécution du traité relatavement aux renonciations stipulées à Brétigny. Charles V releva le faux-fuyant anglais comme une injure, et obtint l’assentiment des états-généraux pour la reprise des hostilités. Si les deux premiers Valois avaient soutenu avec des armes inégales une longue et pénible lutte, le droit, l’intérêt français, la sympathie nationale, la solidité politique, n’en étaient pas moins avec les Valois ; mais ils trouvèrent chez leurs rivaux, les Plantagenets, une veine de ligueur, de puissance et de fortune qui mit les Valois en péril. Edouard III, prince énergique autant qu’habile, exploita heureu-