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sentait purgé de ces conspirateurs qui s’étaient si longtemps cachés dans ses rangs ; il sentait sa constitution sauvée et sa paix faite avec les dieux. Andocide avait été l’instrument de cette réconciliation ; il obtint donc son pardon, et fut même tout d’abord assez bien vu du peuple. Ce serait sans doute alors que son père Léogoras aurait pris à partie un sénateur, Speusippos. Celui-ci, quelques jours auparavant, avait cherché à envelopper Léogoras dans les poursuites commencées sur la dénonciation de Lydos. Selon notre orateur, Léogoras, qui d’abord avait voulu quitter Athènes, aurait obtenu contre son adversaire un verdict presque unanime. De six mille juges, il n’en aurait vu que deux cents se prononcer contre lui. Il y a dans ce qu’Andocide nous rapporte de ce procès bien des difficultés qu’il est plus aisé de signaler que de résoudre. Ce qui est certain, c’est que cette faveur d’Andocide et de son père ne se soutint pas. Leurs noms avaient trop souvent retenti dans toutes ces affaires pour qu’il ne leur en restât pas comme une mauvaise note. De plus Andocide ne s’était sauvé qu’en livrant d’anciens compagnons de jeunesse et de plaisir dont il avait peut-être même été jusqu’à un certain point le complice ; or le rôle de dénonciateur ne passe jamais pour honorable ; il touche de trop près à celui de traître. D’ailleurs Andocide par ses révélations avait dû se faire dans les familles frappées sur ses indications des ennemis qui ne laisseraient point oublier au peuple tout ce que l’on avait à lui reprocher. Bientôt après s’engagea toute une nouvelle série de procès dont le signal fut donné par la plainte que Thessalos, le fils de l’illustre Cimon, déposa contre Alcibiade ; Andocide y fut-il compris, et condamné en même temps que ce dangereux personnage ? Ou bien, au terme de tous ces débats judiciaires, prit-on une mesure générale contre tous ceux qui, sans avoir encouru de condamnation, avaient été pourtant compromis à un titre quelconque dans ces scandales et ces profanations ? Furent-ils par un décret frappés d’atimie, c’est-à-dire privés de leurs droits civils et politiques ? Andocide s’enfuit-il par prudence devant de redoutables inimitiés ? Notre orateur ne s’explique jamais clairement à ce sujet. Ce qui est sûr, c’est qu’il quitta Athènes malgré lui peu de temps après les événemens que nous venons de raconter. Depuis lors jusqu’en 403, sa situation fut celle d’un exilé qui cherche tous les moyens de rentrer dans son pays.

Comme on peut en juger par la vie qu’il menait, Andocide avait de grands besoins d’argent. Son emprisonnement et son exil, joints aux désastres d’Athènes, qui atteignirent toutes les fortunes, réduisirent presque à rien les ressources qu’il pouvait tirer de son patrimoine. Pour subvenir à ses habitudes de dépense, il se fit spéculateur. Dans tout Grec, comme dans tout Israélite, quelle que soit la profession où il s’est engagé, il y a toujours l’étoffe d’un négociant