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et divers gallinacés du groupe des coqs de bruyère et du groupe des perdrix ont été rencontrés dans la même région par le père Armand David, et néanmoins l’infatigable missionnaire n’est sans doute pas parvenu à se procurer absolument tous les gallinacés du Thibet oriental. M. Chauveau, qui a entretenu des relations avec les indigènes de cette partie de l’Asie, signale l’existence de plusieurs espèces qui n’ont point encore été mises entre les mains des naturalistes ; il parle d’un faisan bleu que personne en Europe n’a vu jusqu’à présent, et il trace le portrait de l’oiseau en termes qui témoignent de l’admiration ressentie. « On ne se figurerait que très difficilement, dit le chef de la mission du Thibet, la beauté de ce petit animal, la magnificence de sa queue longue de 1 mètre, arquée comme le cintre d’une voûte, la noblesse de la pose, la vivacité des couleurs. Cette espèce est commune, mais extrêmement sauvage. Nous jouons d’infortune apparemment. L’année dernière, on m’en envoyait quatre ; les malheureux courriers n’ont-ils pas eu l’impiété de les manger en chemin !… »

Les nombreux et remarquables gallinacés des montagnes de la principauté de Mou-pin offrent plus d’un genre d’intérêt : ils ont des beautés qui ravissent les yeux, et l’esprit porté à la méditation s’étonne en songeant que ces beautés demeurent cachées dans des retraites du plus difficile accès. Ils fournissent au naturaliste qui les compare aux espèces des autres régions du monde de nouveaux sujets d’étude et de nouveaux moyens d’apprécier l’état de la création à l’origine ; ils contribuent à imprimer à un petit coin du globe un caractère propre, apportant ainsi pour la géographie physique un précieux enseignement. Au premier abord, les oiseaux appartenant à d’autres familles ne présentent aucun trait saisissant au même degré, mais l’intérêt jaillit quand on considère l’ensemble de ces êtres. À côté de plusieurs espèces qu’on trouve dans presque toute l’étendue de la Chine et même dans une grande partie de l’ancien continent, on observe des oiseaux particuliers aux montagnes de l’Himalaya, déjà signalés par les zoologistes anglais, et des espèces en grand nombre qui, n’ayant encore été vues nulle part ailleurs, semblent confinées dans le Thibet oriental[1]. Parmi ces oiseaux, les uns appartiennent à des formes asiatiques, les autres à des formes européennes, et quelques-uns de ces derniers ressemblent tellement à nos espèces indigènes qu’on croirait voir les hôtes de nos bois et de nos campagnes un peu travestis par un léger changement dans l’uniforme.

  1. Dans la collection des oiseaux de Mou-pin, envoyée par l’abbé David, M. Jules Verreaux, aide-naturaliste au Muséum d’histoire naturelle, a reconnu trente et quelques espèces qui n’avaient jamais été observées.