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tif. Il ne s’est pas lassé de répondre aux diverses délégations qu’il voulait fermement le maintien de la république, que l’amnistie était assurée à tous ceux qui mettraient bas les armes, à l’exception des assassins des deux généraux, et que la paie des trente sous ne serait pas supprimée brusquement aux gardes nationaux nécessiteux. Ces déclarations ont été répétées avec une solennité nouvelle dans son admirable discours du 28 avril. Il ne pouvait aller plus loin.

IV.

Nous serons brefs sur le dénoûment de l’horrible drame. Hélas ! n’est-il pas sous nos yeux dans ces ruines fumantes qui furent la gloire de notre malheureuse cité ? Après avoir longtemps tardé au gré de notre impatience, mais pas un jour de plus que ne le commandait la nécessité militaire, il s’est précipité au moment où la terreur allait passer des menaces aux actes. La proclamation de M. Thiers aux habitans de Paris sur l’imminence de l’attaque décisive inaugure le 9 mai la dernière période du règne de la commune. Le temps des pourparlers est passé ; le gouvernement interdit sévèrement l’espèce de congrès de conciliation auquel la ligue républicaine a convoqué à Bordeaux les membres récemment élus des municipalités de province. La commune de Paris a beau les convoquer au Luxembourg, elle ne fait par cette offre dérisoire que mettre en lumière le caractère équivoque de ces transactions qui commencent toutes par sacrifier le droit en établissant une parité absurde entre l’assemblée de la France et le pouvoir insurrectionnel de l’Hôtel de Ville. La réunion de quelques délégués provinciaux à Lyon n’eut aucune portée politique. La dislocation de la commune était de plus en plus évidente ; elle multipliait en vain les comités secrets, les comptes-rendus mutilés de ses séances la montraient s’agitant dans l’anarchie. On s’y battait à coups de motions ; les paroles violentes ne suffisaient plus. Nous savons de source certaine que les orateurs s’y menaçaient sans cesse du revolver. Ces emportemens révèlent par leur frénésie même l’impuissance croissante des prétendus chefs du mouvement : ils passaient au rôle de comparses. La dictature était ailleurs ; elle n’était même pas dans le comité de salut public, docile serviteur du comité central de la garde nationale. Celui-ci réclamait la révolution du 18 mars comme son enfant légitime ; il en reprit la tutelle à l’heure du péril suprême. Toutes les réclamations vinrent échouer contre ce pouvoir secret, mais multiple, qui tenait les baïonnettes insurgées à sa disposition.