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sauvage qui n’eût hésité devant un pareil attentat. Pourquoi s’en étonner ? Y a-t-il quelque chose de pire qu’un barbare corrompu lâché en pleine civilisation ? Après avoir pratiqué le vol à main armée, il restait à la commune à sanctionner l’assassinat, le meurtre par trahison. Il y fut pourvu par le décret qui décida que l’église Bréa serait abattue, et que le « citoyen Nourri, » déporté à la suite de l’exécution du traître Bréa, serait amnistié.

Il semble que la terreur aurait dû fonctionner tout de suite à Paris après le 18 mars. Néanmoins les décrets de nos dictateurs pendant les premières semaines firent plus de bruit que de mal. Il est certain qu’au début les mesures violentes rencontrèrent des obstacles dans les mœurs publiques, et que le terrorisme a d’abord fait l’effet d’un masque de théâtre destiné à épouvanter les naïfs. Il est un point pourtant sur lequel la commune se montra tout de suite résolue, c’est la persécution religieuse. Le clergé catholique fut frappé sans délai et sans hésitation. L’archevêque de Paris, le vénérable évêque de Sura, le curé de la Madeleine, furent brusquement saisis et incarcérés, on sait, hélas ! pour quelle destinée. La majorité des curés de Paris, un grand nombre de prêtres et de religieux subirent le même sort, et le frère Philippe, supérieur des frères de la doctrine chrétienne, n’y échappa que par une fuite précipitée. Ces arrestations n’ont jamais été motivées ; on n’a pas même essayé d’invoquer un complot contre l’état. Le clergé fut frappé comme clergé, parce qu’il représentait une religion exécrée.

Mais la commune en voulait moins encore au clergé qu’à ses richesses : aussi mit-elle la main sur tout ce qu’elle put trouver de valeurs dans les maisons religieuses et d’objets précieux dans le trésor des églises. Sous prétexte de faire la chasse aux fusils, elle confisqua les propriétés particulières sans aucune formalité, sans procès-verbaux réguliers ; c’était le pillage. La première église dont la commune se soit emparée pour en faire un club est celle de Saint-Nicolas-des-Champs. Je m’y trouvais le vendredi soir 28 avril ; on se serait cru au temps de la première commune révolutionnaire : c’était comme une vignette de 1793. L’église était éclairée comme pour une grande fête ; une foule immense inondait la nef centrale et les bas côtés, foule tapageuse, hurlante, qui saluait d’applaudissemens frénétiques chaque motion violente. Les femmes étaient en grand nombre, plusieurs avec leurs enfans dans les bras. Le bureau siégeait à l’autel, et le président agitait la sonnette de la messe. Les orateurs montent en chaire. L’un demande, à propos du décret sur le mont-de-piété, que l’on rende aux pauvres tous les dépôts sans exception, mais qu’on retienne tout aux riches. « Voilà qui est bien, s’écrie une citoyenne : c’est pour cela que j’aime la commune ! » L’autre lit la protestation d’un jeune prêtre de Nicolas-