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Maintenant beaucoup ont sans doute trouvé la mort dans le combat, ceux qui survivent porteront la peine de leurs crimes. C’est l’affaire de la justice de rechercher et de punir les coupables, comme aussi c’est l’affaire de la politique de scruter la nature et le sens de cette monstruosité qui vient d’éclater devant le monde. Tous ces événemens sont d’un ordre si étrange, si extraordinaire, qu’on est tenté de se demander si tous ces séides de la commune, exaltés jusqu’au meurtre et à l’incendie, sont des factieux sans scrupule, des ambitieux subalternes poussés par l’envie ou des fous, s’il n’y a point positivement en tout cela quelque phénomène cérébral particulier, quelque grande perversion agissant sur les âmes et sur les intelligences comme une contagion. A dire vrai, le Paris qu’on nous a fait un moment, ce Paris de la commune, ressemblait de très près à cette maison de fous dont parle un conteur fantastique et où les hôtes de la maison avaient fait, eux aussi, une révolution, commençant par mettre en prison les médecins et les gardiens, ayant la prétention de se gouverner eux-mêmes. Qu’il y ait dans ces convulsions quelque espèce de folie développée par toutes les excitations violentes, entretenue par un isolement prolongé, et en fin de compte exploitée par des meneurs sans frein, cela n’a certainement rien d’inadmissible ; seulement ce sont des fous systématiques et suffisamment lucides dans leur fureur, qui ont commis avec suite le plus monstrueux attentat contre leur pays, qui pendant deux mois se sont faits les instrumens d’une véritable tentative d’assassinat calculée et préméditée contre la France.

Il n’a point tenu à eux que cette tentative ne réussît, ils ont voulu aller jusqu’au bout, ils n’ont pas craint de pousser cette atroce guerre civile jusqu’à sa dernière limite en lui donnant une sorte de caractère satanique. Nous admettons un instant, si l’on veut, que des hommes poussés par un fanatisme de secte et de conspiration aient cru pouvoir donner un de ces signaux révolutionnaires que la France a entendus plus d’une fois, que dans l’ivresse d’un succès imprévu à Paris ils se soient même fait une obligation de tenir tant qu’ils pouvaient compter encore sur un appui plus ou moins direct, plus ou moins prochain des provinces ; mais il y a longtemps qu’ils avaient dû perdre toute illusion, ils ne pouvaient ignorer qu’ils n’inspiraient à la masse de la nation, fatiguée de tant d’épreuves, qu’une insurmontable antipathie, une véritable terreur, et dès lors à quoi pouvaient-ils aboutir ? Ils ne se battaient plus que pour se battre, comme s’il n’y avait pas eu assez de sang versé, ils mettaient aux prises Paris et la France, comme s’il n’y avait pas assez de germes de divisions, ils ne faisaient qu’accumuler les ruines et prolonger l’agonie d’une nation vaincue sous l’œil de l’ennemi triomphant de ces discordes. Est-ce qu’il a pu véritablement passer par ces