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fécondes du xive siècle. La police des villes et surtout de Paris, la manufacture et le commerce, la centralisation judiciaire et administrative, l’assiette des impôts, les libertés municipales, lui doivent les plus utiles règlemens[1]. Il est difficile à celui qui veut étudier sérieusement l’histoire de France de se faire une idée juste pour chaque époque de ce que Fénelon appelait la forme du royaume. Les actes publics originaux y peuvent seuls conduire. La tradition historique a été si violemment rompue par nos révolutions, l’esprit de parti a tellement préoccupé nos écrivains, que nous avons beaucoup à faire aujourd’hui pour acquérir le sentiment vrai de l’histoire antérieure à notre temps. Il s’en faut que du temps du roi Jean la forme de l’état fût celle d’un despotisme stupide et brutal, comme on l’a trop répété. L’autorité du prince était sans doute la clé de voûte de la société. — Le roi était l’ultima ratio du gouvernement féodal. Il l’était encore à l’époque de transition qui nous occupe. Tout vient de lui, et fuit en lui, dit Beaumanoir. Aussi sa justice ne révolte point les peuples. Froissart seul, un ami de l’Angleterre, a blâmé l’exécution sommaire du comte d’Eu, traître à la France sa patrie. La justice du roi était la cour martiale de l’époque : on en usait rarement ; mais elle était nécessaire pour réprimer les violences de la féodalité. Quant à l’administration proprement dite, elle a, sous le roi Jean, une régularité déjà bien établie. Le principal office était celui du chancelier, qui paraît avoir centralisé les divers services ministériels ou administratifs. Les pouvoirs étaient séparés distinctement, et les actes du gouvernement étaient préparés ou accomplis dans quatre cours ou juridictions principales : le conseil du roi, les maîtres des requêtes de l’hôtel, la cour de parlement et la chambre des comptes. Ces deux dernières cours étaient sédentaires à Paris.

Le conseil du roi, nommé aussi le grand-conseil ou le conseil secret du roi, était chargé d’expédier les affaires de gouvernement. Il suivait toujours, au moins par délégation, la personne du roi, et, même pendant qu’il était prisonnier en Angleterre, les actes de Rymer nous apprennent que le roi Jean avait auprès de lui une partie de son conseil. La captivité ne suspendait point en droit l’exercice de la royauté. C’est au conseil du roi qu’étaient délibérés les projets d’ordonnance ou lettres royaux. Le chancelier les présentait ensuite à la sanction du roi, et les marquait du sceau royal. En, des cas extraordinaires, le conseil du roi Jean s’est agrégé le parlement, les maîtres des requêtes et la chambre des comptes. La fonction des maîtres des requêtes avait deux objets, la préparation du travail du conseil ou l’instruction des affaires et l’examen des

  1. Voyez les tomes II et III des Ordonnances, de Laurière et Secousse.