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pour les états subséquens. Les assertions de Boulainvilliers sont à peu près ici le seul garant qu’on puisse invoquer. Pour l’assemblée de 1338, où le libre vote de l’impôt aurait été, dit-on, particulièrement proclamé, nous n’avons pas plus de certitude. Nicolas Gilles en atteste la tradition au xve siècle ; mais ce témoignage est contestable : il est à croire que les assemblées antérieures au roi Jean, même celles de Philippe de Valois, qui a eu le plus besoin de leur concours, n’avaient ni règle précise, ni détermination établie. C’est une ample matière aux recherches futures dans nos archives parisiennes et dans nos archives de province. Secousse et du Tillet n’ont fait que préparer les voies ; M. Léopold Delisle nous a donné le mandement original, constatant la forme et le mode de convocation pour les états de 1351, les premiers états du roi Jean. C’est une pièce curieuse de laquelle il résulte que ces états étaient une assemblée de notables sans règle fixe d’élection. Le silence complet de Froissart sur un point si capital nous prouve que ces assemblées et ce qui les touche étaient en médiocre faveur dans les châteaux. Les villes y avaient évidemment le principal intérêt. Quant aux autres états, réunis régulièrement chaque année depuis cette première convocation jusqu’en 1355, qui a été une époque mémorable sur laquelle nous reviendrons, la certitude du fait est acquise ; mais du Tillet et Secousse n’en ont donné qu’une relation sommaire. Du Tillet a eu les pièces sous les yeux ; elles ne peuvent être égarées. Des preuves positives peuvent d’ailleurs être recueillies dans les ordonnances particulières relatives aux répartitions d’impôts dans les provinces ; mais nous attendons de l’érudition et de nos dépôts publics la révélation détaillée de ce qui s’est passé à cet égard. C’est une lacune importante à remplir dans notre histoire politique. La désuétude postérieure où sont tombées ces assemblées et la défaveur même dont elles ont été l’objet expliquent l’absence de documens dont nous souffrons encore. Si nous en possédons sur l’assemblée de 1302, c’est au zèle gallican que nous le devons. Le chroniqueur dionysien, le continuateur de Guillaume de Nangis, le savant Dupuy, le laborieux M. Géraud, ont satisfait nos désirs à ce sujet. La science n’a pas eu le même stimulant pour l’ordre politique et financier.

Il est évident que nous devons à l’influence de ces assemblées, sous le roi Jean, qui a fait du régime dont il s’agit un usage régulier de son règne, l’abondance de règlemens administratifs qu’on remarque pour l’époque de ce prince dans la collection des ordonnances de nos rois, abondance qui serait à coup sûr plus ample encore, si nos archives étaient soigneusement explorées. Cette face de l’histoire du roi Jean a été négligée aussi par nos historiens. L’histoire particulière des ordonnances du roi Jean est une des plus