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royal. Le droit de prise ou de réquisition, dont nous avons, hélas ! pu voir les tristes restes, avait aussi sa raison d’être ; mais les formes seigneuriales le rendaient insupportable. Les peuples étaient foulés également par l’ennemi et par les défenseurs, du sol, le roi en tête. Il n’en pouvait être autrement à ces débuts de l’organisation administrative. Y remédier graduellement était tout ce qu’on pouvait faire. Quant aux monnaies, l’abus était aussi à son comble ; mais, s’il y a un fonds de vérité, en ce qui a été dit à ce sujet, il y a aussi un fonds d’inexactitude, surtout en ce qui touche les accusations particulières au règne du roi Jean. Voici ce qui me semble être la vérité. Lorsque les rois du moyen âge, en France comme ailleurs, manquaient de l’argent nécessaire à leurs dépenses, le défaut d’expérience de la matière imposable, l’impossibilité des emprunts à taux modéré, l’absence de contrôle de la part des contribuables, l’irrégularité de toutes les pratiques financières, avaient facilité l’introduction du pire des abus, qui avait semblé le plus commode des expédiens, bien qu’il fût le plus nuisible au commerce et à la production de la richesse publique. Des conseillers pervertis des princes de ce temps avaient imaginé d’affaiblir les monnaies pour subvenir aux besoins des finances. Ils étaient d’autant plus répréhensibles, qu’ils n’ignoraient pas et qu’ils avouaient même les inconvéniens de leurs pratiques, auxquelles cependant ils recouraient sans scrupule. Les préambules des ordonnances du 16 décembre 1329, du 16 avril 1330 et du 23 mars 1332, œuvre du prince qui a le plus usé peut-être du fatal moyen d’affaiblissement de la monnaie, proclament la bonne intention de revenir aux saines traditions, en même temps qu’ils avertissent les sujets de la nécessité qui oblige à les mettre en oubli pour le moment. Les longues et ruineuses guerres de Philippe de Valois et de ses successeurs, jusqu’à Charles VII, motivèrent donc, à défaut d’autres ressources, des désordres déplorables dans la valeur des monnaies, qui fut sujette sous ces princes à un mouvement perpétuel. On les affaiblissait par degrés, jusqu’à un certain point, après lequel on les reportait tout d’un coup, à leur valeur intrinsèque, pour avoir occasion de les affaiblir de nouveau, et le prix du marc, d’or et d’argent changeait ainsi à chaque instant. C’était le jeu de bourse de ce temps, et, comme, il y avait gens qui en retiraient grand bénéfice, le consommateur, qui en payait les frais, était celui qui s’en plaignait le moins. La fréquente et publique répétition de cet expédient prouve bien qu’il était profitable à un certain nombre : il semble qu’il n’y avait qu’à être habile pour éviter d’y être ruiné. Les commerçans et les trafiquans savaient y gagner ; le commun peuple était victime. Telle est la vérité de l’histoire financière du xive siècle et d’une partie du xve. Or le roi Jean ne figure, à vrai, dire, que