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avec autorité, et je ne puis qu’y renvoyer le lecteur[1]. Le comité international, siégeant à Genève sous la présidence de M. G. Moynier, eut l’heureuse idée de fonder une agence à Bâle, un bureau de correspondance et de renseignemens qui devait pendant la guerre faciliter de toute façon l’échange des communications entre les comités et la transmission des secours. Cette agence se chargeait de faire parvenir aux blessés des deux camps les offrandes des neutres. Au 31 décembre, elle avait reçu près de 350,000 francs et expédié plus de 5,000 colis qui étaient non-seulement des ballots de linge et de charpie, mais des malles de vêtemens chauds, des caisses de comestibles, des fûts de vin. Ces envois furent transportés gratuitement jusqu’au 15 novembre par les chemins de fer suisses, tandis que la franchise de port était accordée au comité de Genève pour les 200 ou 300 lettres qui passaient chaque jour par ses mains. Les camionneurs, même les « cormorans » (portefaix), offraient pour rien ou presque rien à prix réduits leurs services à « la croix rouge. » Les officieux accouraient en foule, demandant à partir pour les champs de bataille, pour les ambulances, avec le brassard des infirmiers ; les comités étaient forcés de réprimer ces excès de zèle. Ah ! sans doute il y eut parmi les volontaires abrités sous la croix rouge beaucoup d’oisifs et de curieux, même des poltrons, des aventuriers qui ne firent que du bruit et du mal ; mais il ne faut pas oublier les efforts courageux et dévoués, les services rendus, ni ce cri du maréchal Mac-Mahon quand il reçut à Châlons la première ambulance des comités de secours : C’est la Providence qui vous envoie !

L’agence de Bâle ne se contenta point de transmettre des secours ; elle s’occupa directement des blessés. Dès le mois d’octobre, elle fit des démarches auprès des Prussiens pour obtenir que 300 blessés français, qui après guérison allaient être internés au-delà du Rhin, fussent renvoyés chez eux en vertu de la convention de Genève. Les Prussiens consentirent, et à dater du 20 octobre ces invalides, suivis de beaucoup d’autres, arrivèrent à Bâle par petits détachemens. L’agence les accueillait, retenait les plus souffrans dans un hôpital où 100 lits avaient été disposés pour eux, et, toujours à ses frais, renvoyait les autres en France. Au 31 décembre, 1,553 Français étaient ainsi rentrés dans leur pays. Nous les avons vus passer dans plusieurs cantons où véritablement ils étaient reçus comme des triomphateurs. Ils arrivaient déjà pourvus de vivres et de vêtemens par les Bâlois, qui ont toujours la main pleine et ouverte ; ils étaient attendus à la gare par le comité de secours, le directeur et quelques infirmiers de l’hôpital : ces derniers consa-

  1. Voyez, dans la Revue du 1er novembre 1870, le Service de santé des armées avant et pendant le siège de Paris, par M. Augustin Cochin.