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vailler à une œuvre importante, celle de la conquête administrative, avec ses rares qualités, mais aussi avec toutes les formes d’esprit qui lui sont propres.

I.

La bataille de Wœrth avait été livrée le 6 août ; le 14 du même mois, une ordonnance royale, datée du quartier-général d’Herny, instituait un gouvernement d’Alsace : Strasbourg était à peine investie, la première parallèle ne devait s’ouvrir devant cette ville que le 29 ; ni Schlestadt, ni Belfort, ni la plus grande partie du département du Haut-Rhin n’avaient vu un soldat allemand ; enfin, si sûr que M. de Moltke fût de nos défaites, nous avions encore deux grandes armées, celle du maréchal de Mac-Mahon, celle du maréchal Bazaine. Le 21, une décision royale ajoutait au gouvernement d’Alsace, sous le nom de Lorraine allemande, les arrondissemens de Sarrebourg, de Château-Salins, de Sarreguemines, de Thionville et de Metz. L’Allemagne, dès cette époque, a publié une suite de brochures où elle étudie l’ethnographie et la statistique de cette vaste province. Le seul géographe Henri Kiepert, et son élève, M. Richard Bœckh, ont dressé trois cartes du gouvernement général : l’une sous ce titre : Des parties de l’empire allemand enlevées autrefois par la France, depuis le xvie siècle jusqu’à la réunion volontaire de Mulhouse à la république, en 1798, — l’autre, au point de vue des langues parlées dans le pays, — la dernière, pour faire connaître les divisions adoptées par les autorités prussiennes. L’histoire contredit beaucoup des données du premier de ces documens. Pour celles du second, les plaintes journalières de la Gazette officielle de Strasbourg sur l’ignorance de l’allemand en Alsace fournissent à M. Kiepert des indications précieuses ; il ne manquera pas d’en profiter quand il nous donnera une nouvelle édition corrigée avec soin, ou tout au moins un commentaire explicatif de son travail. Le troisième document est d’une scrupuleuse exactitude ; il reproduit la carte même de l’état-major, faite à Berlin en septembre 1870 et annexée depuis aux préliminaires de Versailles. Au mois de septembre en effet, les frontières nouvelles que l’Allemagne devait nous demander étaient arrêtées dans le moindre détail ; elles l’étaient bien avant : dès 1865, on pouvait voir dans les villes d’eaux des Vosges des cartes d’origine inconnue qui représentaient l’Alsace et la Lorraine allemande réunies à l’Allemagne, et différaient fort peu de l’instrument authentique revêtu à Versailles de la signature des plénipotentiaires.

L’Allemagne avait depuis longtemps une connaissance parfaite de l’Alsace. Le recensement de 1866, pour le seul département du