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vers collèges de prêtres, entre autres celui des augures. Cette création dut prendre de l’importance sous la république. Le consul annuel, souvent enlevé à la charrue, ne pouvait pas être autant que le roi au courant de tous les détails de la tradition politique et religieuse. Il pouvait entre autres ignorer bien des minuties relatives aux formalités augurales. Il était bon de le faire assister d’un spécialiste ; mais ce dernier avait la position du médecin et de l’avocat, auxquels on va demander leur avis sans être tenu de le suivre. Le magistrat n’était point obligé de s’en faire assister, il ne tenait compte en outre que des auspices pris sur son ordre.

Ce droit de consulter les dieux, le roi et le consul le tenaient du peuple comme leurs autres pouvoirs. Chaque citoyen pouvait en effet prendre les auspices pour ses affaires privées ; mais on comprend dans quel désordre on fût tombé, si chacun eût pu les consulter aussi pour les affaires publiques, et en réclamer l’observation de l’état. Le droit d’interroger les dieux de la part du peuple appartenait seulement à l’ensemble de la nation et à ses organes réguliers, au sénat et aux magistrats. Ces derniers recevaient cette attribution de leurs prédécesseurs et la transmettaient à leurs successeurs. Toutefois, quand des malheurs publics avertissaient qu’on ne marchait plus avec les dieux, que les auspices s’étaient abâtardis, qu’il fallait les régénérer, on retournait à la source. La série des magistratures était interrompue, on recourait à l’interrègne. La communauté romaine reprenait à elle tous les pouvoirs, entre autres celui d’interroger les auspices, et les faisait exercer à tour de rôle pendant quelques jours par chacun des sénateurs. Quand on pensait être resté assez longtemps dans ce régime transitoire, on nommait de nouveaux fonctionnaires, auxquels on remettait les auspices rectifiés, et l’on recommençait une nouvelle série. Ainsi les magistrats tenaient du peuple même les deux attributions du pouvoir souverain, l’auspice et l’empire. L’auspice consistait à consulter les dieux dans les signes des temps, à rechercher comment on devait agir pour s’assurer l’aide des immortels ; c’était la contemplation, la prière. L’empire, c’était le travail, l’exécution des prescriptions reçues par l’auspice.

Restent enfin les pontifes, dont le chef a succédé à bien des égards au roi, et occupait le sommet de l’échelle sacerdotale. Leur haute position ne les empêchait pas d’être subordonnés au peuple, qui révisait et réformait leurs jugemens, les forçait à l’accomplissement de leurs fonctions, changeait le mode de leur élection. Un trait caractéristique se trouve dans les abrogations ou adoptions d’un père de famille par un autre père de famille. Pour être valables, les abrogations devaient avoir l’assentiment des pontifes et