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pourrait désigner aussi du nom de droit divin. Or l’élément nécessaire ou divin du droit étant le fonds primitif ou essentiel, il est chez les peuples enfans de beaucoup le plus important, souvent même le seul existant. Nous voyons donc, en remontant aux origines, que le droit est une application de la religion. Nous pouvons constater ce fait dans toutes ses branches, et nous verrons à peu près partout le soin de conserver les traditions juridiques confié à des prêtres.

C’étaient les féciaux qui étaient les dépositaires du droit international, qui disaient si une guerre était juste et pieuse, si les cieux la permettaient. Dans l’antiquité au moins, les prescriptions de ce droit étaient scrupuleusement observées, car les violer eût été offenser non pas les hommes, mais les dieux, déclarer la guerre aux immortels, attirer le courroux céleste sur la tête du peuple. Quand on faisait un traité, les deux parties le mettaient sous la garantie de la divinité, et par des imprécations solennelles on appelait sa colère sur le transgresseur.

Le droit criminel aussi était dans le principe essentiellement religieux. On punissait dans le crime la désobéissance aux dieux immortels ; on vouait avec exécration le criminel à la divinité offensée, comme on livrait à la nation étrangère le Romain qui lui avait fait tort. Le droit civil était enseigné par les pontifes. On a cru longtemps que ce mot désignait des faiseurs de ponts. Cette étymologie paraissait confirmée par la circonstance que les prêtres en question étaient aussi arpenteurs, mathématiciens, ingénieurs. Suivant la philologie moderne, ils auraient été des purificateurs ; ils enseignaient aux hommes ce qu’il fallait faire pour éviter les souillures, pour plaire aux dieux, pour se bien conduire en un mot, et la morale les amenait au droit. Les pontifes vouaient une attention particulière aux règles dont dépend la sainteté de la famille, aux questions de mariage, d’adoption ; ils étaient les juges naturels en matière de vœux et de sermens. Chargés de sauvegarder les intérêts économiques des fondations religieuses, ils se trouvaient conduits à s’occuper des testament, et d’une manière plus générale de l’organisation de la propriété. On a remarqué une singulière coïncidence entre le droit pontifical de la Rome ancienne et le droit canon du moyen âge, quant aux objets de leur sollicitude. Les deux législations comprenaient entre autres la rédaction du calendrier, et entreprenaient de régler les occupations des hommes, les travaux comme les fêtes, sur les mouvemens des sphères célestes.

Le caractère religieux se retrouve dans le droit administratif, dont les censeurs étaient chargés, et dont la statistique officielle confiée à ces magistrats était la base. Il apparaît enfin, plus peut-