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Chen-si et le Kan-sou ; malheureusement ces provinces étaient au pouvoir des rebelles musulmans, qui menaçaient même la capitale. Les hordes de brigands pillaient et incendiaient les maisons, massacraient les habitans sans autre but que de faire le mal. Malgré tout, le savant lazariste ne renonce pas à son expédition. Après s’être convaincu de l’impossibilité d’un voyage par terre, il prend le parti de se rendre à Takou, de s’embarquer pour Chang-hai et de remonter le Fleuve-Bleu, afin de pénétrer dans le Kiang-si, le Hou-pé et le Hou-nan. Ces trois immenses provinces, ayant des montagnes et de nombreux cours d’eau, semblaient devoir être riches en productions naturelles. L’abbé David se met en route avec M. Chevrier, qui l’avait accompagné en Mongolie, et deux Chinois capables de l’aider dans ses travaux. Une fois dans le bassin du Yangtse-kiang, il espère, si les circonstances n’y mettent obstacle, passer à travers le Sse-tchouen, et atteindre les régions élevées du massif thibétain.

Au mois de février 1868, l’infatigable voyageur voulait employer encore trois années à recueillir les plantes et les animaux des parties les moins connues de la Chine ; il comptait pour peu de chose ses recherches dans le Pe-tche-li, et son exploration de la Mongolie. « Puisque des circonstances providentielles me le permettent, écrit-il, je voudrais faire quelque chose de mieux pour notre France et ne pas abandonner aux Anglais seuls l’exploration scientifique de l’extrême Orient ; je regretterais de prendre sur le ministère apostolique un temps précieux que je saui-ais ne pas profiter beaucoup à la science[1]. » Il eût été difficile de commencer une campagne avec de plus louables aspirations ; mais un véritable dévoûment était bien nécessaire pour s’assujettir aux fatigues et aux privations les plus pénibles, pour s’exposer à des dangers inséparables d’expéditions dans des pays où le voyageur ne peut espérer aucune protection et doit tout attendre de son courage.

Au moment du départ, les contrariétés viennent des intempéries de la saison. On a vu que la pluie est rare à Pékin et en général dans tout le nord de la Chine[2]. Pendant six années une sécheresse persistante avait produit des effets déplorables ; les lacs, les étangs, les ruisseaux n’existaient plus, les poissons avaient péri. En 1867, un grand changement était survenu ; l’automne avait été humide et l’hiver sans exemple pour les habitans : la neige tombait d’une manière presque continuelle. Ne se laissant point décourager, notre missionnaire se rend à Chang-hai, et remonte le Yang-tse-kiang

  1. Lettre adressée à M. Milne Edwards.
  2. Voyez la Revue du 15 février.