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couvrent la plus grande partie de la plaine, ainsi que les îles disséminées sur le fleuve, et du côté de Wampou de vastes champs de cannes à sucre se dessinent au milieu des autres cultures. De nombreux groupes d’arbres fruitiers rompent la monotonie : ce sont des manguiers, des goyaviers, des orangers, des bananiers, des figuiers de diverses sortes, qui annoncent la région tropicale. Des bambous et des saules, des cyprès, des thuias, une espèce de pin prospérant au bord des canaux, se distinguent aussi dans l’ensemble de la végétation. Une chose bien curieuse encore attire les regards : ce sont, sur les côtés de la rivière, de grands espaces couverts de nélombo[1], cultivé comme plante alimentaire et comme objet d’ornement pour les temples et les habitations. Dans la belle saison, lorsque s’ouvrent les magnifiques fleurs blanches, les yeux sont ravis ; mais l’attrait a disparu quand, à la fin de l’automne, les tiges brisées, les feuilles flétries, demeurent éparses sur l’eau stagnante. Souvent on a parlé des jardins situés dans les environs de Canton ; ce sont en effet des endroits remarquables où se trouvent associées aux végétaux propres au pays des espèces originaires ou de l’Inde, ou du nord de l’empire, ou du Japon. Des orangers et des citronniers de plusieurs espèces forment des masses touffues : l’olivier odorant embaume l’air ; les magnolias, les justiciers, les clérodendrons[2], atteignent le plus beau développement ; des palmiers tranchent au milieu des autres arbres. Puis ce sont des camellias, des azaléas, des roses à profusion, puis encore les ixores et les lagerstrœmies, dont on voit des échantillons dans nos serres, et les jolis arbrisseaux de la famille des orangers, les murrayas et l’aglaia odorante, qui croissent sous les climats les plus favorisés de l’Asie. Dans ces jardins, les pivoines importées du nord sont cultivées avec autant de succès que les végétaux des tropiques, et l’Européen contemple avec étonnement une foule de plantes réduites aux proportions les plus exiguës. Le goût des plantes naines est très prononcé chez les Chinois, l’art de les obtenir très perfectionné, et c’est avec orgueil qu’un horticulteur de Canton montre des orangers, des rosiers ou d’autres arbustes donnant leurs fleurs, bien qu’ils atteignent seulement la hauteur de quelques centimètres.

Aux alentours de la capitale de la province de Quang-tung, la végétation a les plus grands rapports avec celle de l’Inde, et les animaux du pays offrent également pour la plupart les signes caractéristiques des êtres destinés à vivre sous les tropiques. Dans les massifs de bambous se réfugient des oiseaux assez voisins des

  1. Nelumbium speciosum.
  2. Justicia Adhatoda et Clerodendron flagrans.