Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 93.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

self-government. Quant à penser que nous aurons fondé la vie locale dans une ville de 2 millions d’habitans en lui faisant élire soixante ou quatre-vingts conseillers municipaux, c’est une véritable erreur.

Il faudra, quoi qu’il en coûte, opérer dans notre administration municipale des réformes plus radicales. Nous avons devant nous deux exemples : les institutions locales de la constitution de l’an III et le régime anglais d’organisation municipale. Sachons profiter de l’un et de l’autre, sachons même les combiner. Les villes qui ont une certaine importance ne doivent être asservies ni aux préfets, ni aux départemens. Il est raisonnable qu’elles s’administrent elles-mêmes avec indépendance. Ce n’est pas seulement l’ingérence des fonctionnaires du pouvoir central qu’il s’agit de restreindre, ce sont aussi les attributions excessives des maires. D’un autre côté, il importe que le terrain administratif soit très nettement circonscrit et rendu parfaitement distinct du terrain politique. Que les localités régissent elles-mêmes leurs intérêts spéciaux ; mais que le pouvoir central retienne toutes les attributions qui touchent à la force publique et à la police. Le self-government n’est pas le morcellement infinitésimal du territoire. Tout ce qui concerne la force armée, la répression des délits ou des crimes rentre dans la sphère du gouvernement. L’organisation de la ville de Londres est pleine d’enseignement à cet égard. Les pouvoirs locaux jouissent dans l’agglomération londonienne d’une complète autonomie économique ; mais le pouvoir central seul a l’organisation de la police : c’est lui qui en nomme le personnel, et qui en fait les règlement. C’est à ce prix que l’on peut concilier l’autonomie administrative des localités et l’unité politique du pays. Si nos communes de France, y compris l’agglomération parisienne, veulent jouir de complètes franchises municipales, elles commenceront par renoncer à l’organisation actuelle de la garde nationale, et laisseront au gouvernement central la direction de la police et de la force armée, à tous les degrés et sous toutes ses formes.

Paul Leroy-Beaulieu.