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tère particulier. Il ne faut pas s’y tromper : pour développer la vie municipale dans un grand centre, l’on ne peut se contenter de faire nommer 30 ou 40 conseillers au scrutin de liste ; il faut à une bonne organisation locale des racines bien plus nombreuses, bien plus ramifiées. Que deviendrait le corps humain, s’il n’avait pour la circulation du sang que l’artère aorte et les carotides ? La vie serait languissante, si elle n’était même impossible : ce sont les vaisseaux capillaires qui vont se ramifier dans tous les membres et nourrir chaque organe ; ce sont eux qui assurent la vie régulière, saine et productive. Il en est des corporations morales comme des êtres organisés : si l’on veut qu’une ville importante ait une vie municipale qui ne soit pas factice, il faut donner à chaque quartier le moyen de se faire jour, de s’affirmer, de se développer ; c’est un tort que de vouloir supprimer ces divisions naturelles et élémentaires. Heureuse l’Angleterre avec toutes ses paroisses dont chacune à une existence propre !


II.

Nous voici amenés à l’organisation de la ville de Paris, à laquelle nous joignons, comme d’usage, la ville de Lyon. À lire les discussions récentes, il semblerait que l’administration de ces vastes cités soit un problème insoluble, comme la quadrature du cercle. Ne nous laissons pas trop effrayer par des difficultés qui de loin ont l’apparence de montagnes, et qui s’aplanissent sensiblement quand on consent à les aborder avec résolution. Suivant la marche que nous avons suivie jusqu’ici, faisons précéder le précepte par l’exemple, et demandons franchement à l’Angleterre comment s’administre la ville de Londres. Beaucoup d’allusions ont été faites par divers orateurs de l’assemblée nationale au régime municipal de cette ville énorme, qui du reste, ainsi que toutes les grandes villes d’Europe et d’Amérique, a été l’objet d’une étude très approfondie et justement remarquée dans cette Revue[1]. Cependant, avec quelque autorité que la question ait été traitée par M. Cochin, il nous sera permis d’y revenir ; les événemens nous y obligent en donnant à la question un intérêt plus immédiat pour nous, et nous ne saurions jamais mieux qu’aujourd’hui en tirer un profit réel.

Cette vaste agglomération de 3 millions d’habitans qui constitue Londres et sa banlieue, ou, pour parler le langage de la loi anglaise, le district métropolitain, n’est pas soumise à un régime

  1. Voyez, dans la Revue du 1er juin 1870, le Régime municipal des grandes villes, par M. Augustin Cochin. — Voyez aussi, dans la Revue du 1er janvier 1871, une excellente étude du même auteur sur Paris politique et municipal.