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Ces deux parties de l’autorité, la délibération et l’action, qu’il peut être utile de séparer sur un très vaste théâtre, doivent dans la sphère étroite des intérêts communaux être réunies et confiées aux mêmes mains, sous peine de complications nombreuses et de grands abus de pouvoirs. En France, comme en Angleterre, le conseil municipal doit donc administrer réellement et exécuter par lui-même ses propres délibérations. À cet effet, il est bon qu’il soit divisé en plusieurs comités ayant chacun sa compétence, dirigeant chacun une branche spéciale de service. De la sorte, on intéressera vivement les populations aux affaires de la cité, on répartira d’une manière équitable les responsabilités et les charges, on développera la vie et l’initiative locales. Dans ce système, le maire n’est que le président du conseil, par lequel il doit être élu chaque année. Son rôle se trouve réduit à de moindres proportions ; le pouvoir personnel disparaît de la commune. Il est à souhaiter que cette réforme ne soit pas retardée, ou les maires capables et dévoués viendront bientôt à manquer. Déjà l’on trouve peu de personnes qui veuillent accepter cette besogne aussi accablante qu’ingrate. Condamnés à un travail obscur et sans rémunération, destinés presque tous à devenir dans un bref délai impopulaires, ces magistrats, dans les villes surtout, se recrutent aujourd’hui difficilement ; on pourrait même dire que, sans la perspective de récompenses honorifiques, il serait presque impossible de rencontrer un citoyen considérable qui consentît à être maire d’une ville importante. Il n’en serait pas ainsi pour un simple président du conseil municipal : le travail et la responsabilité seraient mieux divisés ; il y aurait moins à craindre cette impopularité qui s’attache fatalement au pouvoir personnel même le plus honnête et le plus consciencieux. Tant que les attributions du maire ne seront pas notablement réduites, et que l’on n’aura pas restitué aux conseils municipaux les fonctions exécutives, nous serons loin d’une décentralisation efficace. Il est à peine besoin de dire que les comités spéciaux, formés dans le sein du conseil municipal pour l’expédition des affaires, devraient être permanens, comme en Angleterre. Le conseil entier pourrait n’avoir que quatre sessions ordinaires déterminées par la loi ; mais il pourrait toujours se réunir en sessions extraordinaires sur la demande de la moitié des conseillers. Ajoutons que ni le maire, ni le conseil ne pourraient en aucun cas être révoqués, suspendus, dissous par l’autorité centrale.

Voilà des réformes bien radicales, va-t-on nous dire, et difficiles à opérer dans un moment où le pays semble en dissolution. Sans doute ces réformes sont radicales ; mais l’on ne compte point apparemment s’arrêter à de chétives améliorations de détail. Croit-on qu’une nation traverse une semblable crise sans que sa constitution