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troupes du prince Frédéric-Charles qui arrivaient de Metz à marches forcées, et à gauche par l’armée du grand-duc de Mecklembourg. Celui-ci, qui rançonnait le département d’Eure-et-Loir avec deux divisions d’infanterie, s’était rapproché de Toury aux premières nouvelles de la retraite de von der Thann, et il se tenait prêt à l’appuyer.

D’Aurelle se résigna donc à rester quelques jours devant Orléans ; il eut l’heureuse idée de fortifier sa position. Plusieurs batteries armées de grosses pièces de marine furent établies en avant des faubourgs ; les officiers du génie fortifièrent la gare des Aubrais, où s’opère la bifurcation entre les chemins de fer de Tours et de Vierzon ; d’autres batteries de marine formèrent deux lignes de défense à Cercottes et à Chevilly, c’est-à-dire jusqu’à 13 kilomètres en avant sur la route de Paris. Au reste, la position d’Orléans est forte par elle-même, car elle est protégée par la forêt du côté de l’est sur une longueur d’à peu près 50 kilomètres, d’Orléans à Bellegarde. Le vice radical de cette position était d’être acculée à la Loire ; en cas de revers, les deux ponts d’Orléans devaient être insuffisans pour une prompte évacuation. On fit par supplément un pont de bateaux, ce qui n’était pas encore assez, comme l’événement le prouva. À voir combien peu de résistance ces fortifications accessoires offrirent à l’ennemi dans les malheureuses journées de décembre, on est tenté de penser que les travaux du génie militaire furent mal conçus ou qu’ils restèrent incomplets. Cette dernière supposition est sans doute la plus probable, car à cette époque, comme au début de la guerre, on espérait marcher en avant, et l’on ne songeait pas assez à ce qu’il arriverait, si l’on était réduit à la défensive.

L’inaction de l’armée de la Loire parut suspecte aux Allemands. Sur ces entrefaites survint un incident qui démontre à quel point ils concevaient peu l’attitude passive des Français. Vers le 15 novembre, le quartier-général royal apprit que des colonnes ennemies apparaissaient du côté de Chartres et de Dreux. Ce côté était dégarni. Il y eut une panique à Versailles, paraît-il. On s’imaginait que d’Aurelle s’était subitement transporté dans la vallée de l’Eure pour s’appuyer sur les réserves que le général de Kératry préparait au camp de Conlie, et donner la main à l’armée du nord, Il n’en était rien, quoique c’eût été peut-être un très sage parti, puisque d’autres corps d’armée venant de l’est allaient arriver bientôt auprès d’Orléans. Néanmoins le grand-duc de Mecklembourg, qui avait rejoint von der Thann à Toury, revint en toute hâte au nord avec quatre divisions d’infanterie et trois de cavalerie. Ces forces imposantes n’eurent pas de peine a disperser les quelques bataillons de mobiles qui s’étaient avancés jusqu’à Houdan, à 60 kilomètres de Paris. Puis, après cet engagement sans importance, le grand-duc