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FRANCIA




DEUXIÈME PARTIE[1]




Mourzakine goûtait ce doux repos depuis environ une heure, quand il fut réveillé en sursaut par une petite main qui passait légèrement sur son front. Persuadé que la marquise, dont il venait justement de rêver, lui apportait sa grâce, il saisit cette main et allait la baiser, lorsqu’il reconnut son erreur. Bien qu’il eût éteint les bougies et baissé le chapiteau de la lampe pour mieux dormir, il vit un autre costume, une autre taille, et se leva brusquement avec la soudaine méfiance de l’étranger en pays ennemi. — Ne craignez rien, lui dit alors une voix douce, c’est moi, c’est Francia !

— Francia ? s’écria-t-il, ici ? Qui vous a fait entrer ?

— Personne. J’ai dit au concierge que je vous apportais un paquet. Il dormait à moitié, il n’a pas fait attention ; il m’a dit : le perron. J’ai trouvé les portes ouvertes. Deux domestiques jouaient aux cartes dans l’antichambre ; ils ne m’ont pas seulement regardée. J’ai traversé une autre pièce où dormait un de vos militaires, un cosaque ! Celui-là dormait si bien que je n’ai pas pu l’éveiller ; alors j’ai été plus loin devant moi, et je vous ai trouvé dormant aussi. Vous êtes donc tout seul dans cette grande maison ? Je peux vous parler, mon frère m’a dit que vous ne refusiez pas…

— Mais, ma chère,… je ne peux pas vous parler ici, chez la marquise…

— Marquise ou non, qu’est-ce que cela lui fait ? Elle serait là, je parlerais devant elle. Du moment qu’il s’agit…

  1. Voyez la Revue du 1er mai.