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de l’assurance de ne pas être hostiles dans l’exercice de leurs fonctions à l’autorité qu’il représentait ; » il les adjura de « l’aider à faire le bien. » ils refusèrent même de donner des renseignemens, et réussirent pour la plupart à cacher leurs archives. L’autorité allemande, « péniblement émue de ce patriotisme mal entendu, » rejeta sur eux la responsabilité de l’interruption dans les services. Elle sévit contre ceux qui continuaient clandestinement leurs fonctions, et le 30 janvier fit condamner de ce chef MM. Hue et Chavannes, à la réquisition de M. Puggé, à 800 francs d’amende. Surtout elle se mit à l’œuvre avec un zèle étonnant. À peine arrivés à la gare de Nancy, les Allemands s’occupèrent d’explorer la voie à l’aide d’une mauvaise machine, oubliée par la compagnie de l’Est dans une gare secondaire. Le 21 août, neuf jours après l’entrée des quatre uhlans légendaires, la voie était complètement réparée, et un grand train, rempli de vivres, de munitions et de porte-brassards, arrivait d’Allemagne et entrait triomphalement à Nancy au milieu de la stupéfaction générale. Les lignes télégraphiques furent partout rétablies, et le général Chauvin fut placé à la tête de ce service. Le 8 septembre, le roi de Prusse ayant daigné ordonner que le service des postes fût repris dans les départemens français occupés, les habitans étaient autorisés à confier à la poste allemande des lettres ordinaires et chargées, des journaux, des imprimés, jusqu’à des échantillons de marchandises. Le prix du port était inférieur de 50 pour 100 au prix réglementaire français ; bientôt des estafettes et des hommes à pied permirent le rétablissement des communications avec les moindres villages de Lorraine.

On ne saurait compter la quantité de règlement et de circulaires émanés du commissaire civil et de ses préfets sur les précautions à prendre contre le typhus des bêtes à cornes, sur l’assistance des enfans pauvres, l’administration des asiles d’aliénés, la bonne tenue des registres de l’état civil, l’exploitation des canaux et des salines, le paiement régulier du traitement des instituteurs et institutrices, la vente des substances vénéneuses, etc. L’administration porta la sollicitude jusqu’à envoyer aux maires des modèles imprimés de bordereaux et l’adresse de l’imprimeur chargé d’éditer les registres de l’état civil. Les agens d’une puissance qui depuis Sedan ne nous faisait la guerre que pour la proie et le butin poussaient le culte de la morale privée jusqu’à insérer dans leur Moniteur les noms des personnes qui, ayant trouvé un porte-monnaie, l’avaient restitué à son propriétaire ou déposé à la préfecture !