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gueurs de l’autorité militaire, qui entraînent toujours après elles de fortes amendes. »

Il y avait d’autres moyens encore d’assurer la sécurité de l’ennemi. Dans les campagnes et dans les villes, progressivement aigries par les charges de l’occupation, on n’avait pas perdu l’espérance de voir les Allemands repasser en désordre, la baïonnette du soldat et la fourche du paysan dans les reins. La vivacité du caractère français, la rudesse du soldat allemand, l’habitude qu’ont les officiers prussiens de voir en Allemagne l’homme du peuple supporter facilement une correction manuelle, promettaient de nombreux conflits ; mais les sévères proclamations du roi Guillaume ne restèrent pas lettre morte. De temps à autre, le Moniteur officiel, à titre d’avertissement salutaire, publiait une note dans le genre de la suivante : Dans la nuit du 3 au 4 septembre, le nommé Amboise, de Void, ayant tiré un coup de pistolet sur une sentinelle, a été saisi en flagrant délit et traduit devant une cour martiale ; instruction faite, il a été condamné à la peine de mort et a été fusillé ce matin, le 6 septembre, à six heures du matin. »

Pour éloigner jusqu’à la possibilité de ces « attentats, » des arrêtés préfectoraux interdirent les rassemblement en présence des troupes allemandes ; on voulut même, chose impossible à faire exécuter, prohiber les groupes de plus de trois personnes. On les disperserait par la force, et l’on infligerait à la commune « toutes les rigueurs de la loi militaire. » Les ouvriers de Nancy avaient pris l’habitude de s’arrêter devant les soldats prussiens qui tous les soirs, rangés en ligne devant leur poste, marmottaient des prières en se cachant la figure dans leurs bérets : ce mélange de militarisme et de dévotion excitait leur verve irrévérencieuse. Dans d’autres occasions, on avait répondu à quelque chanson tudesque sur le Rhin allemand par un couplet des Girondins. Quand on apprit à Nancy la révolution du 4 septembre, plusieurs ne résistèrent pas à la tentation d’aller proclamer la république, sinon au balcon, du moins à la porte de l’hôtel de ville. Le rassemblement fut assez bruyant pour attirer l’attention d’un poste de la landwehr, qui, poussant un hurrah guttural, tomba à coups de sabre et de baïonnette au travers des groupes et opéra quelques arrestations.

Dans les campagnes, il y avait des scènes plus tragiques. Le Moniteur officiel du 25 octobre, par forfanterie de bourreaux ou dans l’espoir d’effrayer enfin les populations, publiait un article où l’on pouvait lire le passage suivant :

Le Times parle de vingt villages brûlés et de 150 paysans fusillés par voie de représailles d’illicites actes de guerre, et nos lecteurs se trou-