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rent la restauration de l’empire[1]. Les élections pour l’assemblée législative en 1849 font encore triompher une liste éclectique ; le prince Lucien Murat vient le premier, et M. Ledru-Rollin le second ; toutefois, sur vingt-huit élus, dix-huit ont été portés par les conservateurs. C’est à peu près dans les mêmes proportions que se classaient le « parti de l’ordre » et le « parti de la révolution » dans la représentation générale de la France. Aux élections complémentaires des deux années suivantes, le scrutin de liste donne d’abord une victoire complète aux candidats réactionnaires, puis deux scrutins individuels ont des résultats contradictoires, l’un franchement révolutionnaire, l’autre non moins franchement conservateur, — ce dernier, il est vrai, sous l’empire de la loi du 31 mai, restrictive du suffrage universel. L’opinion semble flottante ; elle ne le paraît pas moins en province, où l’on observe avec effroi les progrès du socialisme. On sait à quel prix le péril fut conjuré. Quand le suffrage universel, rétabli dans sa plénitude, sinon dans sa sincérité et dans sa liberté, fut appelé à consacrer un acte de violence qui avait révolté toutes les consciences droites, mais que le plus grand nombre acceptait comme une nécessité, Paris s’unit encore à la province dans cette abdication du droit devant l’audace : aux deux votes plébiscitaires de 1851 et de 1852, l’auteur du coup d’état retrouva dans le département de la Seine et dans la ville de Paris, pour lui conférer la dictature et pour l’élever au trône, un nombre de voix égal et même supérieur à celui qu’avait obtenu le candidat à la présidence de la république en 1848[2]. Entre ces deux votes, les premières élections pour le corps législatif donnent occasion à l’esprit libéral, partout paralysé, de reprendre quelque vie dans deux ou trois grandes villes ; toutefois, à Paris même, les deux tiers des élus portent l’attache officielle. En 1857, l’opposition, stationnaire en province, n’a pas fait à Paris des progrès décisifs : quatre circonscriptions sur neuf lui sont acquises ; ce n’est pas encore la majorité. En 1863 seulement, un pas immense a été

  1. Le prince Louis eut à Paris 130,000 voix sur 1 million d’habitans, soit 13 pour 100 ; dans toute la France, 5 millions 1/2 de voix sur 35 millions 1/2 d’habitans, soit 15 pour 100.
  2. Voici les chiffres officiels :
    Département de la Seine. Ville de Paris.
    Élection du 10 décembre 1848 : Bonaparte 198,484 130,393
    Plébiscite du 20 décembre 1851 : Oui 190,796 133,238
    Plébiscite du 21 novembre 1852 : Oui 208,058 137,425

    Paris avait encore ses anciennes limites ; quant aux communes suburbaines, qui depuis leur annexion ont été le foyer le plus ardent des passions révolutionnaires, elles étaient plus bonapartistes que la ville elle-même. Belleville, au 10 décembre, donnait 333 voix à M. Raspail, 375 à M. Ledru-Rollin, 1,611 au général Cavaignac et 4,062 au prince Louis ; le coup d’état y obtenait 5,333 oui et n’y était répudié que par 1,828 non. Les proportions sont à peu près les mêmes à La Villette, à La Chapelle et à Montmartre.