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bienfaisance publique, l’instruction supérieure, la tutelle des provinces et des communes en tant que de besoin, le tout conformément aux lois générales. L’utilité de cette réforme administrative serait considérable. D’abord les intérêts régionaux seraient réglés avec plus d’économie et moins de tiraillemens que par le parlement central. Ensuite l’importance des assemblées régionales rappellerait vers la périphérie la vie politique qui aujourd’hui, concentrée tout entière dans la capitale, s’y consume en luttes stériles. Le ministère et le parlement ne seraient pas sans cesse obligés de composer avec les exigences locales, et ils pourraient consacrer leur temps aux intérêts vraiment généraux[1].

La grande réforme présentée par MM. Jacini et Ponza di San Martino avait été déjà préconisée par quelques hommes d’état éminens de l’Italie centrale ; mais elle a toujours été repoussée, comme le fédéralisme l’a été en 1790 par la France, parce que le régionalisme semblait mettre l’unité en péril, et que, sous le canon de l’étranger, l’unité était une condition de salut. Aujourd’hui que tout danger a disparu, que Venise et Rome sont délivrées, l’Italie peut se constituer comme elle l’entend. Or l’organisation que M. Jacini propose aurait certainement deux grands avantages. Elle donnerait d’abord un plus libre jeu au mécanisme du parlement central, déchargé désormais d’un grand nombre d’alaires où son intervention est plus nuisible qu’utile. En second lieu, elle procurerait à l’Italie les bénéfices du système fédéral sans compromettre l’unité de l’état. Le système régional sera, je pense, celui que les peuples adopteront dans l’avenir. Il respecte les originalités locales, et maintient ainsi le patriotisme provincial, qui est le plus solide fondement des états. Il exige le moins de sacrifices qu’il se peut pour la conservation de l’unité nationale. Tout en favorisant ainsi la liberté, il met obstacle aux révolutions violentes et brusques parce que la même fermentation n’envahit pas tout le pays à la fois. Les différentes régions ne sont pas agitées par les mêmes causes au même moment, et ainsi les unes servent de contre-poids aux autres, comme le montre clairement l’exemple de la Suisse. Un état fédéral est d’ordinaire très fort pour repousser toute agression de l’étranger, parce que tous ses habitans sont animés d’un ardent

  1. Une décentralisation régionale, semblable à celle que préconise M. Jacini pour l’Italie, pourrait être également très utile à la France. Elle établirait la liberté locale et traditionnelle, qui forme le meilleur rempart contre le despotisme des souverains ou des assemblées. Elle mettrait fin à l’abus que l’on a fait des travaux publics, transformés en moyen de gagner des voix dans les élections ou au sein du parlement. C’est là un mal général qu’on rencontre dans tous les pays où le régime parlementaire s’est trouvé combiné avec la centralisation administrative.