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M. Jacini propose une réforme qui nous paraît devoir donner tout au moins quelques bons résultats. D’après cet écrivain, qui connaît et apprécie parfaitement son pays, si le mécanisme parlementaire ne marche pas mieux, c’est en effet parce qu’il n’y a point de véritables partis politiques, et si ces partis ne peuvent se former, c’est parce que les intérêts régionaux sont plus puissans que les opinions et les principes. Les députés sont portés à se diviser par provinces plutôt que par nuances. Les traditions de l’Italie auraient exigé la formation d’un état fédératif ; mais il fallait avant tout expulser l’étranger : la concentration de toutes les ressources, une organisation unitaire, étaient donc imposées. Aujourd’hui que l’Italie est une et indépendante, il faut relâcher les liens trop serrés de la centralisation et revenir au système des régions. Le passé de l’Italie, et peut-être son génie, l’ont préparée non pas au gouvernement parlementaire, mais bien à l’administration locale. L’esprit municipal a toujours été actif et puissant dans la péninsule : il y a produit des merveilles. La nouvelle organisation provinciale, qui repose sur les anciennes divisions territoriales, mais dont les institutions sont empruntées à celles de la Belgique, a également donné les meilleurs résultats. Les conseillers provinciaux sont bien composés, et ont fait d’excellente besogne. Ils ont immédiatement voté des sommes importantes pour l’enseignement et pour les routes, et ont grandement contribué ainsi à la régénération du pays.

Dans un manifeste publié récemment et signé par les deux sénateurs Jacini et Ponza di San Martino, le système régional se trouve exposé dans ses détails. Au-dessus des intérêts communaux et provinciaux, il en est d’autres plus généraux qui ne peuvent être bien administrés que dans les limites d’une circonscription plus étendue que celle de la province ou de la commune. Ils sont actuellement du ressort de l’état ; mais il en est qui pourraient lui être utilement enlevés, soit parce qu’ils ne regardent pas l’universalité du pays, soit parce qu’ils seraient mieux gérés par des corps spéciaux, pourvu que ceux-ci possédassent la largeur de vues et les connaissances nécessaires. La topographie et l’histoire délimitent dans la péninsule certaines grandes régions qui ne coïncident pas complètement avec les divisions politiques établies par les traités de 1815, mais qui, ayant des racines profondes dans le passé, persistent sous l’uniformité officielle de la centralisation unitaire. Ce sont ces régions qu’il faudrait reconnaître en leur donnant une assemblée représentative et certaines attributions enlevées au domaine de l’état. Cette assemblée serait composée de délégués élus par les conseils provinciaux. Les objets dont ils auraient à s’occuper seraient par exemple les grands travaux d’irrigation, les routes, les ports, les prisons, la