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III.

Dans son Essai sur les partis politiques, M. Bonghi, qui est lui-même un membre distingué de la chambre des députés, nous montre clairement par l’histoire de ces dernières années l’impuissance que le manque de partis communique au régime parlementaire. Après la mort de Cavour, M. Ricasoli arrive au pouvoir, et l’occupe avec fermeté et habileté, surtout avec une fière dignité vis-à-vis de l’étranger. En 1862, quoique disposant en apparence d’une énorme majorité, il se retire parce qu’il croit ne pas pouvoir compter sur l’appui de tous ses partisans, mais sans qu’aucun vote ait manifesté cette opposition. M. Ratazzi lui succède : il n’a pas, lui, de majorité, mais il a l’espoir de s’en former une. En attendant, tout reste en suspens ; les intrigues politiques se nouent et se dénouent : aucune loi n’est votée. Le pays ne comprend rien à ces évolutions parlementaires, et les premiers symptômes de fatigue et de défiance se manifestent.

À M. Ratazzi succède un cabinet dirigé d’abord par M. Farini, puis par M.Minghetti. Il compte beaucoup d’hommes très-capables, entre autres M. Peruzzi de Florence ; mais les oppositions régionales se font jour. Les hommes de l’Italie centrale dominant dans le cabinet, les Piémontais en sont jaloux, et s’allient aux représentans du midi. Au sein même du ministère, beaucoup de divergences se produisent, et plusieurs crises et dislocations partielles ont lieu. La convention de septembre, qui impose la nécessité de transférer la capitale à Florence, et la répression sanglante des troubles de Turin rendent bientôt la situation du ministère intolérable. Un nouveau cabinet se forme sous la présidence du général La Marmora. Depuis la mort de Cavour, c’est le quatrième qui se constitue sans sortir directement du jeu régulier des majorités au sein du parlement. Les élections de 1865 ne font qu’empirer la situation. L’enquête sur les chemins de fer méridionaux et une brochure très vive et très répandue de M. d’Azeglio éveillent partout des soupçons de corruption. Les députés piémontais, quoique plusieurs de leurs hommes les plus capables, comme MM. Lanza et Sella, soient au pouvoir, se jettent dans une opposition intraitable, et s’allient avec les garibaldiens. Ceux-ci sont plus nombreux qu’avant, mais ils portent moins fièrement leur drapeau. Enfin dans beaucoup de collèges les électeurs, atteints par le nouvel impôt sur la fortune mobilière, font des nominations sans autre signification qu’une hostilité morose et chagrine. Aucun grand courant politique n’était venu traverser le pays pour donner aux élections un sens déterminé. Comme le dit