Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 93.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elles sont la résidence de quelque homme éminent sous l’un ou l’autre rapport. Chaque localité conservait sa vie propre et son originalité. Aujourd’hui la capitale, avec ses débats politiques qui souvent ne roulent que sur des rivalités personnelles, attire à elle l’attention et la vie. La province en souffre, et la capitale n’en profite guère.

Un régime constitutionnel qui permet au pays de se gouverner lui-même par ses représentans librement élus devrait avoir, semble-t-il, pour effet de mettre en relief les bonnes qualités d’un peuple. D’après M. Jacini, ce régime, tel qu’il est pratiqué maintenant en Italie, aboutit principalement à mettre en activité un défaut du caractère national qui de tout temps a été funeste aux Italiens. C’est cet esprit de jalousie qui au moyen âge les poussait à se combattre sans cesse au risque de voir l’étranger profiter de leurs discordes, et qui plus tard, en des temps plus paisibles, les portait à se soupçonner, à se dénigrer, à se calomnier, au risque d’entacher leur réputation nationale. « Les Italiens, écrivait Lgo Foscolo, sont possédés de cette manie diabolique de la discorde et de la calomnie, héritage fatal de père et de mère, vice funeste inhérent à notre race, et dont, je le crains bien, ni nous ni nos enfans ne parviendrons à nous guérir. » S’ils ont vraiment ce défaut qui, hélas ! paraît être aussi un peu le nôtre, les Italiens ont du moins le mérite de ne pas s’en faire accroire. Ils ne se donnent pas pour meilleurs ni plus forts qu’ils ne sont ; ils sont assez fins pour comprendre qu’il est plus nuisible de se vanter de qualités qui leur manquent que de s’accuser de défauts qu’ils n’ont pas. La modestie ou l’humilité sont moins dangereuses que la vanité et la suffisance. Ugo Foscolo d’ailleurs était sévère pour ses compatriotes. Il est certain qu’ils valent infiniment mieux qu’au moyen âge. Les jalousies et les rivalités ont disparu comme par magie dans l’admirable mouvement d’opinion qui a fait l’unité de l’Italie. Quand les hommes sont enflammés par une grande et noble passion, leurs défauts cessent de se faire sentir ; mais ils reparaîtront, si les circonstances leur donnent libre carrière. Or c’est précisément l’effet que produit le parlement italien maintenant. Comme aucune grande question ne passionne et ne divise les esprits, les discussions journalières ravivent les rivalités personnelles, irritent les jalousies locales, enflamment tous les élémens de discorde qui fermentent dans les chambres. S’il y avait dans le pays et dans le parlement de forts courans d’opinion, des partis bien constitués, ces petites misères disparaîtraient bientôt.

On se plaint aussi beaucoup en Italie de ce que l’on appelle le régionalisme. C’est ce que l’on nomme en Allemagne le particula-