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ques. En l’absence de partis semblables, on se dispute les portefeuilles pour les satisfactions de vanité ou d’intérêt qu’ils procurent. Ces rivalités toujours en éveil et en lutte, toujours en quête d’adhérens pour arriver au pouvoir, empêchent un cabinet ferme de durer et entravent l’exécution de toute grande mesure.

L’instabilité des ministères relâche aussi tous les rouages de l’administration. Les ministres n’ont point le temps de s’initier aux affaires de leur département. Ils demeurent ainsi dans la dépendance de leurs subordonnés. Ceux-ci ont peu de déférence pour ces ombres qui passent, et qu’ils font mouvoir à leur gré. Ils ont plus de considération pour ceux qui vont arriver au pouvoir que pour ceux qui l’occupent et vont bientôt le quitter. Un ministre toujours à la veille de tomber ne pourra jamais faire prévaloir ses idées sur la routine des bureaux, ni se faire obéir de la hiérarchie qui dépend de lui. De l’impuissance en politique résultera un mal presque aussi grand, l’inertie ou le désordre dans l’administration.

Le ministère ne pouvant compter absolument sur aucun côté de la chambre, les discussions traînent en longueur ; des incidens arrêtent à chaque instant l’expédition des affaires, et les sessions sont interminables. Elles durent huit à neuf mois, et elles sont d’autant plus stériles qu’elles sont plus longues ; on prononce beaucoup de discours, mais on fait peu de besogne. Il ne reste guère de temps aux ministres pour étudier les besoins du pays et les projets de loi. Toute leur attention est prise par les petites intrigues parlementaires, par les interpellations auxquelles il faut répondre, et par le travail énorme qu’ils ont à faire dans les coulisses pour rallier leurs partisans.

On ne se plaint pas que dans le parlement italien les hommes distingués fassent défaut. Il y en a beaucoup dans tous les genres, et l’on s’en aperçoit à l’élévation des débats et à la sagesse de la conduite. On trouve plutôt qu’il y en a trop. L’inconvénient qui en résulte est double. D’abord, chaque homme éminent étant suivi par un groupe d’adhérens, plus ces chefs sont nombreux, plus il y a de petits corps d’armée qui manœuvrent à part, et plus il est difficile de les faire agir avec ensemble. En second lieu, la vie parlementaire absorbe ainsi beaucoup d’esprits qui pourraient rendre de plus grands services à leur pays, s’ils poursuivaient le cours habituel de leurs études, ou s’ils employaient leur influence à former à la véritable vie politique la localité où ils résident. Jusqu’à présent, la vie intellectuelle a été très disséminée en Italie, et non centralisée comme ailleurs. De même que la plupart des petites villes peuvent se vanter de posséder quelque œuvre d’art, d’avoir donné naissance à quelque artiste ou écrivain illustre, ainsi aujourd’hui encore