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cières revêtent une couleur politique d’après les conséquences qu’elles peuvent avoir et les effets qu’elles doivent produire. Chacun peut apprécier le rapport qu’elles ont avec le programme qu’il a adopté, et il sait par suite s’il doit les accepter ou les repousser. Un ministère appuyé sur une majorité compacte et ferme peut compter qu’il fera voter les mesures utiles qui sont conformes aux principes qu’il représente. Dans les pays où il n’y a point de partis constitués, ce ne sont pas des questions d’impôt qui les feront surgir. Chacun est hostile aux taxes nouvelles, et d’autre part, en réclamant sans cesse l’intervention de l’état, chacun fait exactement ce qu’il faut pour les rendre indispensables. En dehors de ces deux aspirations tout à fait contradictoires, le point de savoir quels sont les meilleurs impôts offre tant d’incertitudes, d’obscurités, exige tant de connaissances économiques, soulève tant de difficultés incidentes, que les électeurs ne peuvent se faire à ce sujet d’opinions arrêtées, ni les représentans se partager en deux groupes opposés et compactes. Il est facile de crier : réduisons les impôts ; mais du moment qu’il faut les augmenter, chacun aura son système. Les deux camps se mêleront, et toute discipline disparaîtra.

En résumé, d’après les meilleurs juges de l’état des choses en Italie, le pays est mécontent, souffre parce que la machine constitutionnelle ne marche pas bien, et elle ne marche pas bien parce qu’il n’y a point de partis politiques fortement constitués. S’il n’y a point de partis semblables, cela provient de ce que, des deux grandes questions qui occupaient les esprits, la première, la délivrance de Venise et de Rome, trouvait tout le monde d’accord, et la seconde, la question financière, mettait tout le monde en désaccord. Maintenant il sera très-utile d’étudier de près ce cas encore peu décrit de pathologie constitutionnelle, et de voir comment l’absence de partis, généralement considérée comme un bonheur, rend au contraire impossible la bonne administration des affaires dans un gouvernement parlementaire.


II.

Le premier symptôme du mal, c’est l’instabilité des ministères. Une interpellation, une crise ministérielle et un exercice provisoire, puis de nouveau une crise ministérielle, un exercice provisoire et une interpellation, et le même cercle se reproduisant toujours, voilà comment le Times définissait un jour la marche du régime parlementaire en Italie. Et en effet malheureusement le journal anglais n’a que trop raison. Tous les ministères du nouveau royaume ont eu la vie extrêmement courte, et même la courte existence de chacun d’eux a été entrecoupée de crises, de transformations et de