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des chefs du parti avancé d’une république démocratique : « En vérité, quand je me compare à quelques-uns de vos burgraves de l’extrême droite, je dois avouer que je ne suis qu’un réactionnaire. »

Par la même raison qu’il n’y a pas de parti conservateur, il n’y a point non plus un vrai parti de la gauche. Il existe au sein de la chambre quelques républicains, mais ils n’avouent guère leurs visées. Leur but étant de renverser la constitution, ils ne peuvent former un parti constitutionnel. Ils sont d’ailleurs trop peu nombreux pour qu’il faille compter avec eux. En dehors de cette nuance extrême, il n’est aucun principe qui sépare la gauche de la droite. Les réformes que veulent les uns, les autres les veulent aussi. Quelque mesure est-elle présentée qui ailleurs paraîtrait révolutionnaire, elle trouvera autant de partisans d’un côté de la chambre que de l’autre. La grande affaire de l’Italie était la revendication de la Vénétie et de Rome. Sur ce point, nulle divergence. L’autre question capitale pour l’Italie était l’équilibre du budget ; mais sur ce point, pas plus que sur les autres, il n’a pu se former deux partis opposés ayant chacun un programme distinct, parce qu’ici les divergences étaient trop nombreuses. Sans doute l’opposition ne manquait pas d’attaquer le ministère à ce sujet, de combattre les impôts proposés, de réclamer des économies ; mais du moment qu’il fallait sortir des généralités, indiquer les mesures pratiques à adopter pour augmenter les recettes et réduire les dépenses, chacun avait son projet particulier, et l’accord était impossible, c’était une confusion générale qui détruisait les faibles liens de parti qui pouvaient tendre à s’établir. Toutes les taxes imaginables ont été tour à tour proposées pour combler l’éternel déficit, et cela n’a fait que contribuer à rendre plus complet le désarroi des diverses fractions de la chambre représentative. Les hommes de la même nuance défendaient les propositions les plus divergentes, et une même proposition trouvait des adhérens dans les nuances les plus opposées. Les impôts considérés ordinairement comme démocratiques étaient repoussés par la gauche et appuyés par la droite ; l’impôt sur la mouture fut définitivement voté par beaucoup de représentans qui l’avaient d’abord condamné avec indignation. Dans le ministère actuel, constitué après l’introduction de la taxe nouvelle, se trouvent réunis l’homme d’état qui l’avait combattue avec le plus d’énergie et un autre qui l’avait approuvée avec non moins de conviction. Les derniers impôts votés par le parlement ont été élaborés par une commission composée de députés de nuances les plus diverses qui, leur œuvre commune terminée, ont repris chacun leur siège aux divers côtés de la chambre.

M. Scialoja fait à ce sujet une remarque très juste. Dans les pays où il y a des partis politiques déjà formés, les mesures finan-