Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 92.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des prélats, grands et petits, soit appliquée, après leur mort, à secourir la terre-sainte ; qu’il en soit de même pour les biens des clercs qui mourront intestats. Que les patrimoines à raison desquels les prélats sont tenus d’acquitter le service militaire soient également livrés pour des pensions annuelles et perpétuelles. Est-ce que les lévites ne durent pas se contenter de la dîme des fruits des autres tribus d’Israël, et cela pour qu’ils ne fussent pas obligés de s’occuper de la culture de la terre et détournés ainsi des offices divins ? De grands avantages résulteront pour les prélats de ce nouvel état de choses. Tout bien considéré, Du Bois, homme d’affaires entendu, croit que les revenus des prélats en seront augmentés. Du Bois met à ce propos dans la bouche de Dieu lui-même un discours censé adressé aux prélats récalcitrans, et où se trouvent citées des paroles d’Aristote et l’exemple du philosophe grec Socrate (Cratès) le Thébain, qui, pour mieux étudier et se livrer à la contemplation, jeta ses biens à la mer. Que les prélats ne croient pas s’excuser en alléguant l’exemple de ceux qui les ont précédés. Averroès ne dit-il pas que les Arabes ont souffert beaucoup de maux pour avoir cru que leurs lois ne devaient être en aucun cas modifiées[1] ?

Il sera utile pour les chefs du royaume de Jérusalem d’avoir un grand nombre de secrétaires connaissant les langues et les écritures des nations de l’Orient. Détruire toutes ces nations serait impossible ; il faut donc les gouverner. Or comment pourront-elles être gouvernées par des hommes qui ne comprendront pas plus leur langue que le gazouillement des oiseaux du ciel, le mugissement des bêtes féroces ou le sifflement des serpens ? Les interprètes étrangers ne peuvent suffire, car il est dangereux de se fier à ces hommes, qui ne se font aucun scrupule de trahir ceux qu’ils regardent comme des barbares. Et d’ailleurs on ne saurait les trouver en assez grand nombre pour suffire au gouvernement de l’empire. Comment saint Paul et les autres apôtres auraient-ils pu prêcher clairement l’Evangile à toutes les nations, si Dieu ne leur avait donné le don des langues ? On dit qu’il y a en Orient certains peuples catholiques qui n’obéissent pas à l’église romaine, et sont en désaccord avec elle sur certains articles de foi. Leur chef suprême, celui auquel ils obéissent tous, comme nous au pape, s’appelle pentharcos ; il a sous lui neuf cents évêques, si bien qu’on dit qu’il en a plus que le pape. Il

  1. Qu’on nous permette de citer en latin les belles paroles qui suivent : Vix autem reperiri posset aliquid in hoc mundo quod esset bonum ac expediens omni loco, omni tempore, omnibus personis. Idcirco variantur leges et statuta hominum secundum varietatem locorum, temporum, personarum, et quod sic fieri debeat, quum evidens utilitas hæc exposcit, multi philosophi docuerunt, et dominus ac magister omnium scientiarum, sanctorum patrum et philosophorum, ut sic fieri doceret et ut fieri non timeretur, plura quæ statuerat in veleri testamento mutavit in novo.